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qui dérangeait sa politique conciliante, chargea son vice-roi, lord Sydney, de les mettre à la raison. Guillaume est une figure curieuse et quelque peu équivoque. Ce grand général, qui est presque toujours battu, ce libéral qui contresigne en gémissant des lois persécutrices, cet honnête homme qui détrône son beau-père, ce mari qui adore sa femme et qui prend une maîtresse pour se conformer à l’usage princier, mais qui la prend louche et vilaine, comme pour se punir à l’avance par son crime même, a dû donner quelque malaise à ses admirateurs. Tout pesé, il était bien supérieur à son temps et à son peuple. Ses sujets tentèrent de l’assassiner ; ses propres ministres le traitaient avec une froide insolence ; il subit tout, afin d’avoir, en retour, les mains libres dans sa politique continentale. Mais, en Irlande, son honneur était engagé. Ce qu’il avait accordé aux défenseurs de Limerick, c’était moins une capitulation qu’un traité où était stipulée une sorte d’amnistie avec certains droits, quelque chose comme un édit de Nantes mitigé et approprié aux conditions locales. Par une négligence inconcevable, la clause la plus importante avait été omise sur le texte authentique que les contractans avaient revêtu de leurs noms. Mais le général de Guillaume, Ginckel, reconnaissait cet oubli, et le roi endossait la parole de son lieutenant. Le petit parlement irlandais, jouant au sénat romain après les fourches caudines, refusait de faire honneur à la signature royale. On pria, on menaça, on prorogea : rien n’y fit, et Guillaume dut céder. Les articles de Limerick ne furent pas désavoués, mais on les rendit illusoires en votant, par voie législative, des mesures contraires. Alors commença l’élaboration des « lois pénales, » monstrueux échafaudage, monument de bêtise et de méchanceté qui n’a d’analogue dans l’histoire parlementaire d’aucune nation. Chacune de ces lois passa et repassa devant quatre corps délibérans, lue et discutée plusieurs fois dans chacun d’eux. Ce ne fut pas l’œuvre d’un homme, ni d’un jour, ni d’une génération ; ce ne fut pas le délire passager de l’accès de fièvre réactionnaire. Les pères et les fils y travaillèrent, et, plusieurs fois retouchées avec amour, il fallut vingt-cinq ans pour les amener à leur dernière perfection.

« Un acte du parlement anglais, dit M. Lecky, interdisait aux catholiques de siéger dans le parlement d’Irlande. On les priva ensuite du droit de suffrage, on les chassa des corporations (conseils municipaux), de la magistrature (justices de paix), du barreau, du jury ; ils ne pouvaient être ni shérifs, ni procureurs, pas même marguilliers, garde-chasse ou constables. » Ils ne pouvaient, cela va sans dire, faire partie de la marine, ni de l’armée. « Défense de garder une arme en leur logis. Un maire, un shérif, avait le droit