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maître des cérémonies de l’émeute, devenu l’organe du gouvernement, — le cas n’est pas rare, — commença son discours par les mêmes paroles que, trois ans auparavant, il avait amèrement critiquées dans la bouche de Scott : « Nous ne sommes pas ici, dit-il, pour enregistrer les édits d’une autre assemblée, ni pour recevoir des propositions de lois à la pointe de la baïonnette… à quoi bon feindre d’ignorer ce que tout le monde a vu, ce que tout le monde a entendu ? Des hommes en armes siégeant comme un corps délibérant, formant des comités et des sous-comités, recevant des rapports et des pétitions, offrant en un mot la parodie complète d’un parlement. Est-ce donc l’heure de changer notre constitution ? Est-ce à des associations armées, si sages qu’on les suppose, que nous irons en demander une meilleure ? Cette constitution, avant d’en avoir joui pendant une seule session, la rejetterons-nous comme font les enfans capricieux du jouet pour lequel ils ont longtemps pleuré ? .. Je dis aux volontaires : Non, vous ne repousserez pas les biens que vous possédez. Cultivez vos propriétés, jouissez des fruits de votre vertu, faites de vos épées des fers de charrue ; retournez à vos labeurs, et laissez aux législateurs le soin de faire des lois. Quant à nous, notre salut dépend du vote que nous allons rendre. Nous délibérons près d’un abîme : un pas en arrière, et nous y tombons ! »

Flood eut beau menacer, les tribunes eurent beau murmurer, le parlement vota le rejet de la proposition, et affirma, de plus, ses droits par une résolution conçue en termes énergiques. Les volontaires se soumirent, et leur organisation politique ne tarda pas à se dissoudre. Peu après, Flood acheta un bourg pourri en Angleterre. Son début à Westminster fut un fiasco ; il ne s’en releva point et végéta, unité isolée, monade obscure, dans ce grand parlement qui ne le connaissait pas, loin de son pays, qui l’oublia.


V

Il est difficile de peindre la vitalité exubérante et désordonnée du parlement irlandais pendant ces années troublées. L’atmosphère ambiante est chargée d’orage. Pendant la discussion du bill de régence, les étudians, armés de sabres et de pistolets, livrent à la police un combat sanglant, aux portes même de la salle. Les tribunes sont toujours houleuses. Souvent elles injurient ceux qui leur déplaisent et couvrent la voix des orateurs du gouvernement. A leur tour, les membres menacent du poing les tribunes et traitent de « canailles » les spectateurs qui les occupent. La contradiction prend une forme âpre et violente : « Si vous acceptez ceci, dit un membre à