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dût reconnaître, dans ces monumens, l’œuvre d’artistes qui s’étaient formés à l’école de la Chaldée, non sans avoir eu aussi quelques rapports avec l’Egypte. Nous avons constaté ces ressemblances et indiqué cette filiation ; mais ce qui nous échappait, c’était l’intermédiaire par lequel les tribus établies sur le plateau cappadocien avaient été mises en relation avec les grands empires orientaux. Loin de dépasser le Taurus, les armées égyptiennes n’en ont jamais atteint les pentes méridionales. Quant à l’Assyrie, il vint un moment où elle fit sentir son ascendant jusqu’à Sardes ; les rois de Lydie se déclarèrent ses vassaux ; mais ce fut seulement au VIIe siècle que les Sargonides, maîtres de toute la vallée supérieure de l’Euphrate, se trouvèrent avoir ainsi tourné l’obstacle du Taurus. Alors sans doute ils dominaient toutes ces hautes plaines qu’embrassent les trois mers. Serait-ce vers ce temps que les types et les procédés de l’art ninivite auraient été répandus, par le commerce encore plus que par les armes, dans toute cette énorme presqu’île sur laquelle avait fini par s’étendre l’ombre de la puissance assyrienne ? On serait, au premier abord, tenté de le penser ; mais un plus mûr examen démontre l’invraisemblance de cette hypothèse. Les monumens qui nous préoccupent sont très nombreux ; ils se rencontrent dans des cantons très éloignés les uns des autres ; quoiqu’ils procèdent tous d’une même inspiration, on remarque entre eux des différences assez sensibles ; on a donc peine à croire qu’ils datent tous d’une même période qui n’a guère en que la durée de deux ou trois générations ; moins de cinquante ans après l’hommage rendu par Gygès à Assourbanipal, tous les sujets de l’Assyrie reprenaient leur indépendance et commençaient à menacer Ninive, dont les jours étaient comptés.

Voici qui est encore plus décisif. On a la preuve que l’alphabet inventé par la Phénicie avait pénétré jusque dans le cœur de la péninsule bien avant le règne d’Assourbanipal. Sur ces façades taillées dans le roc, que Leake a découvertes près des sources du Sangarios, on lit, écrits en lettres toutes pareilles aux plus anciennes lettres grecques, les noms des vieux princes phrygiens Gordios et Midas, accompagnés de leur titre royal ; et c’est vers le IXe ou le VIIIe siècle que le royaume de Phrygie avait atteint cette prospérité dont témoignent les souvenirs qu’il a laissés dans la tradition hellénique. Au VIIe siècle, le dernier de ses souverains succombait sous les coups des Scythes, et les Mermnades lydiens poussaient leurs conquêtes jusqu’à la rive gauche de l’Halys ; mais le peuple lydien, qui entretenait dès lors des relations constantes avec les Grecs de la côte, avait certainement, lui aussi, une écriture alphabétique. Or, parmi les monumens sur lesquels nous appelions