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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/312

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l’attention, il en était que n’accompagnait aucune inscription ; sur d’autres on apercevait des signes que l’on avait d’abord pris pour des hiéroglyphes égyptiens ; en y regardant de plus près, on avait dû renoncer à en chercher l’explication sur les bords du Nil ; mais on avait dû y reconnaître les restes d’une écriture idéographique analogue à celle de l’Egypte, et l’on sentait que cette écriture avait dû cesser d’être employée dans cette région, lorsque s’y étaient répandus les alphabets dérivés de l’alphabet phénicien. Voulait-on hasarder une conjecture sur l’origine et sur l’âge de ces sculptures et des légendes qui y étaient jointes, on se trouvait donc reporté vers une époque beaucoup plus reculée que ce siècle d’Assourbanipal et de Gygès, qui déjà touche à ce que l’on peut appeler la période moderne de l’histoire ancienne ; et l’on en revenait toujours, sans même entrevoir la solution désirée, à se demander quel était ce peuple mystérieux qui, bien avant que fleurissent les dynasties phrygienne et lydienne, avait été sculpter son image sur les rocs de la péninsule, en vue de la Mer-Egée, et y graver l’expression de ses pensées, peut-être même son nom, ce nom qui se dérobait à toutes nos recherches. Depuis quelques années, une vive lumière a été projetée dans ces ténèbres, grâce à des découvertes qui se sont succédé rapidement et dont l’histoire même présente quelque intérêt[1].


I

En 1812, le célèbre voyageur Burckhardt, qui se préparait à visiter La Mecque sous le costume du pèlerin musulman, passa par la ville de Hamath, sur l’Oronte ; il y vit, dans l’un des bazars, une pierre couverte de figures et de signes divers, où il signala des hiéroglyphes, mais des hiéroglyphes différens de ceux de l’Egypte[2]. La relation de Burckhardt eut un très grand succès, et, cependant, parmi ses successeurs, aucun n’essaya de retrouver le monument ; en 1868, on lisait encore dans les meilleurs Guides « qu’il n’y avait pas d’antiquités à Hamath[3]. »

Ce fut seulement en 1870 que deux Américains, M. J. Augustus Johnson, alors consul-général des États-Unis à Damas, et un missionnaire protestant, M. S. Jessup, entendirent parler, à Hamath, non-seulement de la pierre qu’avait vue Burckhardt, mais encore de plusieurs autres inscriptions du même genre. Ils tentèrent d’en prendre des estampages ; mais la foule s’amassa, menaçante, autour

  1. C’est d’après M. Wright, qui l’a racontée dans le premier chapitre de son livre, que nous résumons cette histoire.
  2. Burckhardt, Travels in Syria, p. 146.
  3. Handbook de Murray pour la Syrie, édition de 1868, t. II, p. 588.