heure ! ceux-là pourront occuper toutes les mers, ceux-là pourront se suffire à eux-mêmes ; ils pourront rester indéfiniment éloignés de chez eux et même de tout mouillage, pourvu qu’à certains endroits, judicieusement choisis, des dépôts de charbon leur soient ouverts. Mais avec vos autonomes, ce serait se heurter à l’impossible.
Les océans aux véritables bâtimens, armés ou non, de torpilles ajoutées à l’armement du canon ; la côte, les détroits, les mers intérieures aux torpilleurs. Ce rôle, loin de manquer d’importance, est si considérable, que les effets qui devront en résulter suffisent pour faire crouler les modernes principes de la stratégie et de la tactique navales, modifier profondément les conditions de la guerre sur mer et troubler toutes les relations actuelles de force ou de faiblesse des nations maritimes entre elles par une révolution dont les conséquences, toutes à l’avantage de la défense, rendent l’attaque par mer plus difficile et plus périlleuse pour l’assaillant. Ces résultats considérables, je les reconnais : le torpilleur est devenu le palladium de nos ports, de nos côtes, c’est le roi de la mer territoriale. Mais n’allons pas au-delà, et même ne refusons pas d’admettre que, dans son propre domaine, toute royauté peut être sujette à des échecs ; de ce que chaque nation sera plus maîtresse chez elle, mieux défendue sur ses côtes, faut-il conclure qu’elle sera invulnérable ?
N’exagérez pas et surtout ne supposez pas que, grâce à vos torpilleurs, l’océan tout entier vous appartienne. Il est encore prématuré de s’écrier dans un élan d’enthousiasme : Le torpilleur paraît et la suprématie maritime s’évanouit ! Sans doute l’Angleterre ne renouvellerait pas facilement contre Copenhague la terrible journée du 2 avril 1801 ; elle sait qu’une telle entreprise aujourd’hui lui coûterait tant d’efforts, tant de sacrifices d’hommes et de vaisseaux qu’elle ne s’y résoudrait probablement qu’en vertu d’une raison meilleure que celle qui lui mit jadis les armes à la main, laquelle n’était autre que le droit du plus fort.
L’Angleterre également ne pourrait plus faire de nos côtes, comme de 1803 à 1814, le vestibule de ses ports ; elle les étreindrait bien difficilement d’un blocus rigoureux, elle ne saurait plus venir mouiller insolemment sur nos propres rivages pour s’y mettre à l’abri des tempêtes qui gênaient ses croisières ; ce n’est qu’en affrontant d’excessives difficultés que, unie à la France, elle se hasarderait à jeter sur Sébastopol toute une armée portée sur une immense flotte. L’histoire nous montre qu’autrefois de pareils exploits réussissaient presque toujours ; elle est pleine du récit des invasions navales couronnées par le succès ; maintenant, grâce aux torpilles dormantes, aux torpilles mouillées, aux torpilles mobiles et à la torpille automobile lancée par des myriades