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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/456

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leurs sombres sortent particulièrement aux heures du crépuscule et de la nuit, s’emparant avec la même audace du gros insecte, du petit lézard ou du charmant colibri.

On ne connaissait parmi les araignées que de savantes fileuses lorsque, au cours de l’année 1768, on vint déclarer à l’Académie des sciences qu’on avait découvert un nouveau sujet d’admiration dans la variété infinie de la nature. L’abbé Sauvage, de la Société royale de Montpellier, annonça un fait qui alors sembla vraiment extraordinaire ; il s’agit d’une araignée « qui ne tend aucune sorte de filet, mais qui se creuse un terrier comme un lapin et, plus industrieuse encore, ajoute une porte mobile. » L’espèce avait été observée sur les bords des chemins aux environs de Montpellier et sur les berges de la petite rivière du Lez. Peu auparavant, à la Jamaïque, un explorateur, Patrick Browne, avait rencontré un nid de construction analogue, beaucoup plus grand, infiniment moins parfait. Depuis le dernier siècle, on a souvent parlé en France des araignées maçonnes ; en Angleterre, des araignées qui ont des portes-trappes. Quelles sont donc ces ouvrières si habiles, ces araignées de mœurs et d’industrie si différentes de celles de toutes les autres araignées ? Tout d’abord, on les déclara des mygales ; — on les jugeait du même type que les chasseresses de l’Amérique du sud. Certes, par l’ensemble de l’organisme, la relation est étroite entre les unes et les autres : par de petits détails de conformation la différence est notable, et il est d’un extrême intérêt d’en reconnaître l’importance. De même que les grosses mygales, les maçonnes ont un corps trapu, de larges pattes, des yeux groupés sur une éminence du bouclier dorsal ; seulement, chez les maçonnes, à la partie inférieure des antennes-pinces, il y a une rangée de pointes, une sorte de râteau ; aux palpes se trouvent des épines, aux griffes des pieds existent des dents qui les font ressembler à des peignes microscopiques. Ce sont des outils, des instrumens de travail qui manquent aux mygales, obligées de se contenter d’une demeure de hasard. Ainsi, pour les naturalistes, les maçonnes sont devenues les cténizes.

Pour donner la juste idée du logis des araignées maçonnes, nous devons appeler à notre secours la comparaison, et alors surgit une difficulté. Il faut comparer l’habitation de l’homme qui porte le signe de la misère à la retraite de la bête industrieuse qui porte la marque de l’aisance. En effet, dans les villes de la Flandre, on regarde avec un sentiment de compassion la pauvre famille qui habite une cave. Au soir, dans la rue obscure, l’étranger se heurte à des saillies ; ce sont les portes des caves, des trappes qui se soulèvent à l’aide d’un anneau et se ferment à l’intérieur au moyen d’un crochet. La fermeture est grossière ; à pénétrer dans la