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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/477

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imméritée. Il n’a rien dit, parce qu’il restait attaché à l’armée française, et s’il élève aujourd’hui la voix, c’est pour défendre en sa qualité de « doyen de l’état-major général » les droits de l’armée tout entière atteints dans sa personne. On s’est exposé à cette protestation sortie du cœur d’un soldat. Eh quoi ! s’écrient déjà ceux qui ont commis ou encouragé la faute, M. le duc d’Aumale, après sa lettre, n’est pas encore expulsé ? On expulserait M. le duc d’Aumale : expulser n’est pas répondre ! C’est faire un pas de plus dans cette voie d’arbitraire et de mesures exceptionnelles, où l’on perd toute autorité pour imposer la loi aux autres après l’avoir méconnue soi-même, où l’on finit par ne plus offrir au pays que le spectacle de pouvoirs troublés qui ne sont plus maîtres de leur raison et de leurs résolutions.

Au milieu de toutes ces mobilités d’une vie publique livrée aux passions et aux menées des partis, cependant, il est par intervalles de ces incidens qui ramènent pour un moment à d’autres idées. Tout se mêle dans le courant des choses contemporaines. Il y a les hommes éminens par leur esprit ou par leurs vertus, qui disparaissent de ce monde et dont la fin réveille, même dans une ville comme Paris, un sentiment de respect ; il y a aussi les grands morts d’autrefois, qu’on a trop oubliés pendant longtemps, auxquels on rend un jour le tardif hommage d’une commémoration publique.

Le mort d’hier, c’est M. le cardinal Guibert, archevêque de Paris, qui vient de s’éteindre sans bruit, vaincu par l’âge, après une longue existence consacrée tout entière aux devoirs du prêtre et de l’évêque. M. le cardinal Guibert avait eu les plus humbles débuts, et comme homme par son origine modeste, et comme prêtre. Il avait commencé sa carrière dans un de ces ordres si disgraciés aujourd’hui en France, et il était resté toujours le religieux aux mœurs simples et ascétiques. Il n’avait jamais brigué les honneurs ecclésiastiques ; il les avait mérités par son caractère autant que par son savoir, il les avait acceptés comme une charge, à mesure qu’ils lui étaient venus, depuis l’évêché de Viviers, il y a quarante ans, jusqu’à la pourpre romaine dans laquelle il est mort. Archevêque de Tours pendait la cruelle guerre de 1870, il avait donné asile, dans sa maison épiscopale, à quelques-uns des représentans de la défense nationale en même temps qu’aux malades, aux blessés. Il disait spirituellement qu’il n’avait à offrir à la république qu’un hôpital et une table des plus frugales ; il y ajoutait sa bonne grâce. C’est à Tours que le gouvernement réparateur créé par l’assemblée nationale de 1871 allait le chercher, au lendemain de la commune, pour l’élever au poste difficile et périlleux de l’archevêché de Paris. Il disait lui-même qu’en acceptant il n’avait songé qu’à la pourpre dans laquelle venait d’être enseveli son prédécesseur. Il est resté quinze ans à ce poste, faisant le bien sans bruit, étranger