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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/634

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elle s’est resserrée ensuite d’une façon impérissable ; elle a été cimentée dans les temps modernes par le séjour des Valois, qui aiment à s’y établir avec leur cour et y déploient leur fastueuse galanterie, et, ce qui est plus sérieux et plus honorable, par la plus nationale des guerres, sous ces mêmes princes qui en font le lieu de refuge de la patrie mutilée. Il est impossible, nonobstant ces derniers souvenirs héroïques, de n’être pas frappé surtout de ce rôle d’Armide attirant nos anciens rois dans ses jardins enchantés pour les y bercer dans les voluptés et les divertir par tous les plaisirs d’une vie brillante. On peut dire que l’aimable province a été elle-même traitée véritablement en favorite depuis la fin du XVe siècle et pendant la plus grande partie du XVIe. Louis XI lui apporte en dot, non sans y mêler certains procédés brutaux par l’imposition mise sur les bourgeois de Tours, la riche industrie de la soie. Plusieurs de ses successeurs lui font comme une parure de châteaux, où l’art de la renaissance étale ses plus gracieuses fantaisies et où l’imitation cherche des modèles reproduits dans la province par ce que la noblesse a de plus distingué et la haute bourgeoisie de plus opulent. Mais la France, personnifiée par sa vieille monarchie, n’y transporte pas seulement ce que son luxe a d’éclatant et ses arts de délicat ; elle s’y reconnaît en quelque sorte comme dans un miroir qui lui rend ses principales qualités moyennes, elle y trouve une image d’elle-même où se fondent les contrastes heurtés de ses autres provinces ; ce n’est pas toute la France, plus en relief et d’une originalité plus saisissante et plus forte sur d’autres points, mais c’en est l’expression fidèle à bien des égards par ce qu’elle offre de tempéré.

À ne prendre que la classe rurale, on pourrait voir quelques-uns de ces traits s’y reproduire, et le contraste avec la même classe en Bretagne s’accuser dans le passé comme dans le présent. Soldat ou paysan, le Breton ne se laisse guère perdre de vue. Mêlé aux bandes soldées qui se battent avec bravoure et pillent sans scrupule, on l’y distingue aisément. Sur sa terre natale, il perpétue les usages, les tenures du sol qui n’ont leur analogie nulle part ailleurs. Il connaît peu de milieu entre le dévoûment le plus fidèle à ses maîtres et la révolte ouverte, entre la résignation douce et des vengeances parfois atroces ; quand il se mêle de revendiquer des droits, il anticipe deux siècles d’un seul bond dans la charte des paysans, qui étonne et irrite par son audace les contemporains de Louis XIV. Il est beaucoup moins aisé de marquer de traits originaux dans le passé notre population agricole des bords de la Loire et de l’Indre. Comme coutumes rurales, elle est à peu près entraînée dans la même orbite que le centre et que l’Ile-de-France. Elle a plutôt des difficultés que des luttes violentes avec ses maîtres, des velléités de révolte