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Chez quelque laboureur ou chez un bon berger :
Que l’usurier meschant qui dès longtemps aguigne
Et hume de ses yeux le closeau de leur vigne
En ses papiers journaux ne les puisse accrocher...


La tendance à la subdivision des terres s’est, en définitive, développée outre mesure. On comptait, en 1864, 72,028 mutations : le nombre en montait, dès 1866, à 76,367. Les épargnes n’ont pas cessé en Touraine, contrairement à ce qu’on voit dans d’autres contrées en France, de se porter sur la terre. Il y a là quelque excès, et les écoles qu’a pu faire le paysan par de mauvais placemens mobiliers ne devront pas le dégoûter des placemens opérés avec plus de sagesse.

Le faire-valoir, le fermage à rente fixe et le métayage se partagent la culture dans la Touraine. L’exploitation directe se confond le plus souvent avec la moyenne et toujours avec la petite propriété, qui réunit dans un seul cultivateur la rente du sol, le fermage et le salaire. Les fermiers forment plusieurs catégories très inégales par l’étendue des domaines pris en location, comme par la situation de fortune. Plusieurs sont riches et parfois possèdent des terres, c’est la minorité ; d’autres sont aisés dans leur façon de vivre, mais disposent de peu d’avances à faire à la culture; beaucoup sont gênés de toute manière. Il est certain que nombre de ces fermiers, durant la période prospère, ont réalisé des bénéfices ; on en cite qui, après deux ou trois baux, avaient acquis une honnête aisance. Aujourd’hui, les exploitations de 60 à 80 hectares et audessus sont exposées à demeurer vacantes, et des terres d’étendue moindre encore subissent elles-mêmes d’assez fortes réductions.

Quoique le fermage domine en Touraine, surtout au nord de la Loire, le métayage occupe encore un terrain assez étendu, particulièrement sur la rive gauche du fleuve. Les métairies du nord et celles du sud diffèrent sensiblement. Dans le nord, pays vignoble, elles ne sont que de 5 à 15 hectares ; dans le sud, pays de cultures variées, elles sont de 40 à 50. C’est sur le territoire de Loches que le métayage a son principal foyer, avec ses caractères traditionnels, ses usages locaux, modifiés partiellement, depuis vingt ans surtout, autour de la ville. On y appelle grande métairie celle qui renferme 40 ou 50 hectares. On y compte en général un personnel composé de trois hommes, trois femmes, un enfant, une bergère, et quelquefois un aide pris par le métayer pendant trente ou cinquante jours pour lever la récolte et surveiller ses intérêts. J’achèverai de donner une idée du degré d’importance de ces exploitations en ajoutant qu’il s’y trouve en général un cheptel vivant composé de deux chevaux ou bœufs, de six vaches, de quarante moutons ou brebis,