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commode pour faire des prosélytes. « Corrupteurs, meurtriers, sacrilèges, êtres infâmes, crie-t-il de toutes ses forces, venez ici hardiment : en vous lavant dans cette eau, je vous purifierai à la minute ; et quiconque retombera dans les mêmes crimes, je ferai qu’en se frappant la poitrine et en se cognant la tête, il redevienne pur comme devant. » C’est à peu près le discours que l’Égyptien dut tenir à Constantin et qui amena sa conversion.

Que penser de ce récit de Zosime ? S’il a voulu dire seulement que les crimes de Constantin amenèrent une sorte de recrudescence dans sa dévotion, que, pour apaiser ses remords, il redoubla de libéralités envers les églises, de faveurs pour les évêques, qu’il parut enfin plus décidément chrétien qu’auparavant, on pourrait peut-être le croire ; mais il affirme que, jusqu’en 326, il a pratiqué l’ancien culte, que c’est le désir d’expier la mort de sa femme et de son fils qui fut pour lui la première occasion de professer « l’impiété nouvelle ; » et c’est ce qu’il n’est pas possible d’admettre. Les actes officiels nous prouvent avec la dernière évidence que sa conversion remontait beaucoup plus haut.

A peine est-il maître de Rome, vers 312 ou 313 au plus tard, qu’on le voit s’occuper avec ardeur des intérêts des chrétiens. Dès ce moment, les mesures qu’il prend en leur faveur se succèdent sans interruption : c’est une lettre à l’évêque de Carthage qui lui annonce qu’il met des sommes considérables à la disposition des prêtres « de la très sainte église catholique ; » c’est un décret très pressant adressé au gouverneur de l’Afrique pour qu’il fasse restituer au plus vite tous les biens confisqués pendant la persécution. Un autre décret exempte les clercs de toutes les charges publiques, « parce qu’il est reconnu que la religion catholique est celle qui sait honorer le mieux la divinité et que, si on l’observe et on la respecte, elle pourra faire le bonheur de l’empire. » Remarquons que cette exemption n’est pas accordée aux prêtres de tous les cultes, ni même de toutes les sectes chrétiennes, mais seulement « à ceux de l’église catholique, dont Cæcilianus est le chef. » Par cette préférence manifeste, l’empereur semble bien désigner ici la religion dont il partage les doctrines. Puis vient l’affaire compliquée des donatistes. En cette même année 313, Constantin écrit à l’évêque de Rome, Melchiade, pour le faire juge des querelles qui troublaient les chrétiens d’Afrique : « Vous n’ignorez pas, lui dit-il, que mon respect pour la sainte église est si grand, que je n’y voudrais voir aucune division et aucun schisme. » Vers le même temps, dans une lettre adressée pour la même affaire à un grand personnage, il lui dit qu’il lui parle à cœur ouvert, « parce qu’il sait qu’il est lui aussi un adorateur du Dieu suprême. » Et ce qui prouve bien que ce Dieu suprême, qu’ils adorent tous les deux, est celui des chrétiens,