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de destruction se traduit plutôt par un embarras dans la conduite de l’attaque que par l’excès du poids. La cause n’est pas là. C’est que d’abord il faut vivre. C’est que la nécessité de ne pas couler se dresse plus inflexible que l’idée de combat contenue dans le nom du vaisseau dont il est ici question. La suppression de la cuirasse sans l’emploi des corps élastiques n’est qu’une sorte de trompe-l’œil : on a supprimé le blindage vertical représenté par les plaques d’un demi-mètre d’épaisseur. On le rétablit en détail, en face, par l’armature lourde et compliquée du système cellulaire et par le pont d’acier, cuirasse horizontale qui s’étend de bout en bout. Ne demandant rien aux corps élastiques, on n’a que les résistances brutales du métal, et il le faut épais. Le pont d’acier de l’Inflexible mesure 0m, 10.

Que l’on fasse le compte, et l’on verra que l’on ne gagne pas. La construction navale, en dehors de la protection par le corps léger et élastique, est condamnée à rester étendue sur le lit de Procuste.

Les allègemens qui résulteront de la protection par l’obturation et par l’encombrement sont certains, à la condition que l’œuvre sera nouvelle et dégagée de tout compromis. A ces causes qui résident dans le mode de protection viendra s’en joindre une autre, mais d’une nature différente : ce sera la spécialisation de l’armement et de l’attaque.

La flottabilité de combat est la base qui sera commune à tous les bâtimens de combat, mais chacun portera une arme unique. Il y aura donc des bâtimens armés d’artillerie, des béliers et des bâtimens torpilleurs. Nous ne parlons pas dans ce moment des autres bâtimens de guerre qui opèrent en avant ou en arrière des armées et qui devront aussi posséder l’assiette invariable tant que leurs dimensions permettront de leur assurer la protection complète, quitte à ne donner que le matelas obturant à ceux qui ne pourraient pas contenir la réserve encombrante.

La division des armes apportera une économie de poids considérable au bélier et au torpilleur : celle qui proviendra de la suppression de l’artillerie dont ils seront ainsi allégés. Mais cette économie perdra son importance à bord du bâtiment armé de canons, le poids de l’éperon et de l’outillage de torpilles ne composant pas un ensemble qui puisse troubler et surcharger outre mesure la construction navale. L’avantage qui résultera de l’unité sera de faire disparaître du poste de commandement ce fouillis de fils télégraphiques, négation même de la conduite de la guerre, qui n’est bien faite que par des procédés simples.

Le principe de l’affectation unique d’une des trois armes de destruction au bâtiment de combat a été posé en 1876 par M. Dupuy de Lôme, lorsque le vice-amiral Fourichon était ministre. Il s’agissait