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de la puissance sur mer. Comme le cuirassé d’escadre, il est capable de lancer des masses de fer de près de 1,000 kilogrammes, animées d’une vitesse initiale de près de 500 mètres à la seconde. Ses canons et les hommes qui les servent, sont dans des tourelles fermées inexpugnables. Rien ne peut atteindre sa machine et sa barre de combat; rien, si ce n’est quelques attaques dont il sera parlé plus loin. Enfin, le commandement, s’exerçant dans un poste fortement protégé, restera dans les mêmes mains et ne sera pas exposé à des changemens répétés. Il représente donc ce type qui fait penser à la statue du commandeur. Et il pèse 3 millions de kilogrammes de moins, et il peut pénétrer plus près des côtes et de l’ennemi, puisque son tirant d’eau est diminué de près d’un mètre. Avec ces 3,000 tonnes économisées et 500 tonnes en plus, on peut avoir le bélier dont l’assiette, la machine, la giration et le commandement sont à l’abri de toute atteinte. — Or, une masse de 3,500 tonnes sera plus que suffisante pour défoncer la coque de tout bâtiment.

Ainsi, avec la même quantité de poids, on aura deux bâtimens au lieu d’un, la multiplicité de l’attaque et la concentration du commandement, qui n’aura plus à diriger qu’une seule arme.

Nous nous sommes maintenus dans une comparaison stricte, établie sur la similitude de la vitesse et du rayon d’action. Mais une réduction de 3,000 tonnes permet de viser bien des objets, et l’ingénieur pourra se donner carrière, et notamment obtenir les plus grandes vitesses dont il est aujourd’hui question.

La puissance offensive telle que nous la concevons réside dans la résistance à la destruction. Que ce soit de jour, que ce soit de nuit, il y aura toujours en effet un moment suprême où il faudra accepter le face-à-face. Un instrument de guerre perdrait singulièrement de sa valeur s’il devait passer le temps à se dérober.

Un bâtiment de combat tel que nous venons de le définir, qui sera préservé sur tant de points où le contact est mortel chez la plupart des bâtimens à flot, recevra les coups des engins actuels de destruction dans des conditions entièrement différentes, et c’est ce qu’il convient d’examiner, au triple point de vue de l’artillerie, de l’éperon et de la torpille, avant d’aborder l’étude de la nouvelle guerre sur mer.

Les projectiles de grosse masse seront sans effet sur sa flottabilité ; car il est expressément entendu qu’il possède un matelas obturant qui monte un peu au-dessus de la flottaison et descend à un mètre au-dessous des points moyens d’attaque par l’éperon et par la torpille. Le matelas encombrant n’existe qu’en face du point de l’attaque sous-marine. Les boulets sont considérés comme accidens de guerre sur le champ de bataille, et la protection des hommes ne sera spécialement étudiée sur le nouveau bâtiment de combat que