atténuante que Bossuet condamne Molière : « La postérité saura peut-être, dit-il dans un langage vraiment cruel, la fin de ce poète-comédien, qui, en jouant son Malade imaginaire ou son Médecin par force, reçut la dernière atteinte de la maladie dont il mourut peu d’heures après, et passa des plaisanteries du théâtre, parmi lesquelles il rendit presque le dernier soupir, au tribunal de celui qui dit : Malheur à vous qui riez, car vous pleurerez I »
Laissons les lettrés et les poètes, et revenons aux philosophes, du moins à ces philosophes mondains qui, dès cette époque, jetaient un regard libre et une critique ironique sur la religion chrétienne. Nous sommes portés à croire aujourd’hui que le XVIIe siècle a été un siècle exclusivement chrétien. Cependant Bossuet n’en jugeait pas ainsi, et on croirait qu’il veut parler du XVIIIe siècle ou du nôtre lorsqu’il s’écrie : « O siècle vainement subtil, où l’on veut pécher avec raison, où la faiblesse veut s’autoriser par des maximes, où tant d’âmes, insensées cherchent leur repos dans le naufrage de la foi. » Bossuet peint admirablement les secrètes faiblesses du cœur que flatte la liberté de pensée : « L’intempérance de l’esprit n’est pas moins flatteuse que celle des sens. Elle se fait des plaisirs cachés et s’irrite par la défense. Ce superbe croit s’élever au-dessus de lui-même quand il s’élève au-dessus de la religion. Il se met au rang des désabusés... Il insulte en son cœur aux faibles esprits, et se fait lui-même son Dieu... La liberté qu’on se donne de penser tout ce qu’on veut fait qu’on croit respirer un air nouveau. On s’imagine jouir de soi-même, on croit tenir tous les biens et on les goûte par avance.» Cette incrédulité s’était introduite dans le pi us grand monde, et cela non-seulement à la fin du siècle, dans les salons de Ninon, mais dans le cœur même du siècle, au temps de la Fronde, où le libertinage de l’esprit paraît s’être joint au libertinage des mœurs et à celui de la politique. La princesse Anne de Gonzague était l’un de ces esprits hardis qui pensaient bien au-delà de leur siècle : « La foi lui paraissait impossible, à moins que Dieu ne l’établît en elle par un miracle... C’eût été, disait-elle, le plus grand des miracles que de la faire croire au christianisme. » Beaucoup de ces libres penseurs de cour étaient de faux braves que retenait surtout le respect humain : « Malheur à l’impie qui se délecte dans la singularité de ses sentimens ! Il craindrait de paraître faible s’il en revenait, et, plus faible, il craint de perdre les vaines louanges de quelques amis. » On voit aisément, par Bossuet comme par Pascal, que les incrédules d’alors, ceux du moins auxquels ils parlent, étaient des jeunes gens légers et frivoles qui ne connaissaient pas ce dont ils parlaient et ce qu’ils raillaient et se livraient à des critiques sans portée : « Les entendrai-je toujours dans le monde, ces libertins déclarés, téméraires censeurs des conseils