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LES
CORPS SIMPLES DE LA CHIMIE

Lothar Meyer, Die modernen Theorien der Chemie und ihre Bedeutung für die chemische Mechanik. Breslau, 1884.

Il n’est plus à la mode aujourd’hui de railler l’ignorance des anciens, ni de se moquer de leurs quatre élémens. Les philosophes grecs, en effet, ne prétendaient pas soutenir qu’en mélangeant la terre, l’eau, l’air et le feu, il fût possible de reproduire tous les corps de la nature sans exception : cette opinion erronée n’a surgi qu’au moyen âge. Avant cette époque on estimait que la terre, matière passive et inerte, subissait tour à tour l’action des eaux, l’influence de l’air et du feu, agens de nature à modifier peu à peu sa surface. Peut-être encore, dans la pensée des premiers sages, l’ensemble de l’univers se composait-il de la terre, recouverte d’eau sur une partie de son étendue, dominée par l’atmosphère, éclairée et échauffée par des astres en ignition. En dérobant la flamme au firmament, le légendaire Prométhée aurait commis une impiété, dès que son utile sacrilège troublait l’ordre établi par les dieux.

Six cents ans avant l’ère chrétienne, l’existence d’un principe unique, susceptible de se modifier à l’infini, était déjà considérée comme plausible, et cette idée, après avoir longtemps sommeillé, a repris faveur auprès d’un certain nombre de chimistes contemporains. Coïncidence singulière ! jadis Thalès de Milet pensait que l’eau était l’élément nécessaire, et vingt-cinq siècles plus tard, les modernes attribuent cet honneur à l’hydrogène.

Nous passerons rapidement sur l’époque où la chimie, véritable