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glandulaires ; au cœur qui arrête ou accélère ses battemens, aux muscles qui tremblent, aux glandes salivaires qui cessent de produire de la salive, aux intestins qui se contractent avec force, aux vaisseaux de la face qui pâlissent, aux glandes sudoripares qui sécrètent une sueur abondante, à la pupille qui se dilate, aux traits du visage qui reflètent l’angoisse de la conscience.

Tous ces organes divers se ressentent de l’ébranlement de l’appareil central qui relie les uns aux autres les organes les plus éloignés et met en parfaite harmonie l’émotion de la conscience et les mouvemens du corps.


IV.

Je n’en ai pas fini avec les détails physiologiques, et tout un ordre de faits importans doit encore être expliqué, ne fût-ce que d’une manière sommaire ; car, sans cette explication, on ne saurait comprendre l’action de la volonté et de l’intelligence sur la peur.

Un des plus profonds physiologistes de notre temps, M. Brown-Séquard, a prouvé, par nombre d’expériences démonstratives et convaincantes, que le système nerveux, quand il a subi une stimulation extérieure, peut être excité ou paralysé.

En excitant un nerf, on provoque un mouvement. C’est là le cas le plus général ; mais, dans certaines conditions spéciales, l’excitation nerveuse peut, au lieu de produire un mouvement, arrêter ce mouvement, soit directement, soit par voie réflexe, de telle sorte que le système nerveux est un appareil tantôt d’excitation et tantôt d’inhibition (ou d’arrêt).

Par exemple, voici le cœur qui se contracte. Si l’on excite fortement le gros nerf dit pneumogastrique, qui va au cœur, le cœur arrêtera au lieu d’accélérer ses mouvemens. Le nerf pneumogastrique est donc pour le cœur un nerf d’inhibition.

Autre exemple. Voici un individu qui respire régulièrement toutes les trois secondes à peu près. Si l’on vient à lui administrer une douche soudaine d’eau froide sur la tête et sur le cou, aussitôt la respiration s’arrête. Il est suffoqué : le souffle lui manque, et, pendant dix, quinze, vingt secondes, il lui sera impossible de respirer. La respiration a été inhibée par la douche froide. L’eau froide provoque par voie réflexe l’arrêt de la respiration.

Ainsi les excitations du système nerveux ont quelquefois un effet tout différent. Tantôt elles excitent, tantôt elles arrêtent le mouvement. Les émotions de la peur sont, elles aussi, tantôt stimulantes, tantôt paralysantes ; et certes les exemples de l’un et l’autre phénomènes sont nombreux.