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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/929

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d’abord aucune indication. Mais classons ensemble quelques corps dont la parenté saute aux yeux, et une loi se manifeste. La voici. Quand trois élémens voisins jouissent de propriétés physiques et d’aptitudes chimiques de nature semblable, mais variant en intensité d’un terme à l’autre, les nombres qui expriment leurs poids atomiques s’échelonnent en progression arithmétique. Nous ne voulons pas abuser des chiffres, mais les exemples numériques deviennent indispensables. Prenons pour exemple le groupe naturel : chlore (35.5) — brome (80) — iode (126). De 35.5 à 80, la différence est 44.5 ; de 80 à 126 elle est de 46 ; les deux valeurs 44.5 et 46 sont presque identiques et, d’ailleurs, 80 vaut à peu près la moitié de 35.5 + 126 = 161.5. Si la règle n’est pas mathématiquement rigoureuse, elle est du moins fort approchée, et, en chimie, il faut se contenter d’une exactitude relative. De pareilles associations portent le nom de « triades. » On en connaît aujourd’hui un assez grand nombre. Citons celle du soufre, du sélénium et du tellure (32, 79, 128), ainsi que celle du phosphore, de l’arsenic et de l’antimoine (31, 75, 120) qui sont de véritables modèles. La chimie des métaux met encore d’autres triades en évidence, telles que le groupe calcium-strontium-baryum ; ces trois corps alcalino-terreux invariablement associés, quelle que soit la base de la classification (40, 87, 137), ou la série magnésium-zinc-cadmium (24, 65, 112). Dans ce dernier cas, il faut forcer un peu les chiffres, et les analogies, bien qu’indiscutables, ne sont plus aussi frappantes. Le potassium (39,4) forme la queue d’une première triade avec le lithium et le sodium (7 et 23), et la tête d’une autre si on le compare au rubidium (85) et au caesium (133). Enfin, reprenons le magnésium et le cadmium (24 et 112) et adjoignons-leur le mercure (200), métal qui leur ressemble assez à divers égards : la formule est encore vérifiée. Mettons de côté le groupe lithium-sodium-potassium, et nous observons que les termes inférieurs des autres triades sont tous des corps fort abondans dont les composés remplissent en géologie un rôle essentiel. Il n’est pas besoin d’insister sur les détails et de faire ressortir l’importance des dérivés du chlore, du soufre, du phosphore, du potassium, du calcium, du magnésium. Inversement les matières qui sont placées aux centres ou vers les extrémités de ces mêmes triades sont beaucoup plus rares : tels sont l’iode, l’antimoine, le cadmium, le baryum, le mercure, plus répandus eux-mêmes dans l’écorce terrestre que le sélénium, le tellure, le caesium, le rubidium. La coïncidence est curieuse, mais l’on ne se trouve pas en présence d’une loi absolue, puisque le sodium est incomparablement plus vulgaire que le lithium. Sauf une divergence imputable encore à ce dernier métal,