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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 76.djvu/937

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REVUE LITTÉRAIRE

LA POÉSIE DE LAMARTINE.

On dit que la mort est égale pour tous, et on le croit sans doute, puisqu’on le dit. Comment donc se fait-il qu’après avoir donné pour tant d’autres le signal de leur apothéose, elle n’ait en quelque sorte été, pour Lamartine, que la consécration suprême de l’oubli ? s’il est en effet vrai que, de 1820 à 1850, Lamartine ait régné sur les imaginations, et, selon l’expression de Sainte-Beuve, « s’il a bu, pendant un quart de siècle, le succès par tous les pores; » il a eu le temps, depuis lors, pendant les années de l’empire, entre 1850 et 1870, de sentir se dissiper l’ivresse, et la mort même n’a pas été pour lui le commencement de la justice, mais plutôt le contraire. Quelques vieillards ou quelques jeunes femmes, grâce à la musique de Niedermeyer, savent-ils peut-être encore les stances du Lac ou de l’Automne? Quelques collégiens et quelques professeurs de littérature, dans le fond d’une province, lisent-ils encore, de loin en loin, Jocelyn, ou la Chute d’un ange? Mais ce qui n’est pas douteux, c’est que les jeunes, comme ils s’appellent, — des jeunes de tantôt cinquante ans, soixante ou davantage, — ne nomment plus guère aujourd’hui Lamartine que pour lui préférer hautement Alfred de Vigny, par exemple, ou ce mystificateur de Charles Baudelaire, avec ses Fleurs du mal, sa Charogne, et ses Femmes damnées. Ce qui n’est pas moins sûr, c’est que la critique, dans un temps où ni les Laprade, ni même Edouard Turquety n’ont manqué de consciencieux biographes, n’a pas trouvé seulement, depuis dix ans, l’occasion de jeter un coup d’œil sur la Correspondance de Lamartine.