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généraux a repris assez sensiblement son vrai caractère, celui d’une lutte où les influences personnelles, les considérations locales ont au moins autant de place que la politique, et, tout bien compté, le résultat de ce mouvement électoral des dernières semaines reste assez modeste; il est surtout disproportionné avec le bruit qui a précédé et a menacé un moment de dénaturer le vote en l’amplifiant. En réalité, ce scrutin du 1er août, qui s’est étendu à près de quinze cents cantons de France, n’a été sérieusement une victoire pour aucun parti. Personne ne peut se flatter d’avoir triomphé, d’avoir conquis et entraîné l’opinion. Les républicains ont gagné et perdu des sièges dans les conseils généraux ; les conservateurs ont eu leurs échecs et ont retrouvé quelques avantages. Pour les uns et les autres, il n’y a qu’heur et malheur. Tout considéré, la situation n’a pas changé. La proportion des partis dans les conseils généraux reste à peu près aujourd’hui ce qu’elle était hier, avec cette particularité significative que, de plus en plus, indépendamment du résultat officiel, les chiffres des suffrages obtenus par les candidats contraires tendent à se balancer, que de plus en plus le pays semble divisé en deux camps presque égaux. C’est un phénomène qu’on avait déjà vu au 4 octobre; il se reproduit à quelque degré, un peu plus confusément peut-être, dans cette multitude de luttes sourdes engagées à la fois sur tous les points de la France. Il révèle l’incertitude et les perplexités du pays, qui se défend et qui hésite, qui sent que ses affaires sont mal dirigées et qui craint de se jeter par un vote dans l’inconnu d’une crise publique.

Oui, sans doute, les élections du 1er août, dans leur ensemble, ont pu tromper bien des calculs et ont démenti bien des pronostics. Elles n’ont pas répondu aux passions et aux espérances des partis; elles n’ont donné tout à fait raison ni aux conservateurs ni aux républicains. Elles n’ont pas dévoilé un courant impétueux, irrésistible d’opinion, et c’est en cela qu’elles ne sont point arrivées à être un événement, qu’elles restent un simple incident de vie publique qui ne décide rien, qui laisse les choses au point où elles étaient il y a quelques semaines. Telles qu’elles sont néanmoins, ramenées à leur vrai caractère, elles ne laissent pas d’être une manifestation sérieuse, d’avoir leur importance et leur moralité. Ce qu’elles ont justement de significatif, c’est pour ainsi dire cette absence d’un résultat décidé, c’est ce partage du pays, dont les partis, s’ils avaient un peu de bon sens, un peu de sincérité et de clairvoyance, devraient chercher la raison pour régler leur conduite.

Les conservateurs, cela n’est pas douteux, ont repris depuis quelque temps en France un ascendant sensible et croissant sur l’opinion. Ils ont repris cet ascendant à mesure que le pays s’est senti atteint ou menacé dans sa vie morale et matérielle par une politique qui semble s’être fait un jeu de tout, des intérêts aussi bien que des croyances.