Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/111

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’il est barbier, de raser pour plus d’un denier ; s’il est cordier, de travailler les jours de pluie ; s’il est chasseur, de prendre les cailles autrement qu’avec le filet ; s’il est pêcheur, de vendre son poisson hors de la ville ; s’il est propriétaire de campagne, il doit rapporter à la commune le blé qu’il ne consomme point. Le grand air et le soleil semblent seuls échapper à cette réglementation du droit individuel. L’exil, volontaire ou forcé, peut seul rendre à l’Italien une ombre d’indépendance, l’exil lamentable du fuoruscito, que les communes voisines n’accueillent que comme un vagabond ou un suspect, qui n’a plus d’autre ressource que de s’enrôler à la solde d’un baron de grands chemins, ennemi de toute commune, qui n’a d’autre chance de revoir sa maison que les hasards de la guerre civile.

À la fin du XIIe siècle, la commune italienne est toute pénétrée d’esprit aristocratique. Plus tard, elle fut troublée presque partout par les prétentions impérieuses de la démocratie et vit avec terreur passer dans ses rues et sur ses places le pouvoir suprême et sans appel qui avait envahi peu à peu la plupart des constitutions communales, le parlamento démagogique que le tocsin du palais public mettait debout. Mais alors les communes, mortellement atteintes dans leur principe, déclinaient rapidement vers la tyrannie. Au temps de saint François, ce principe était dans toute sa vigueur. Le moyen âge était encore trop fortement possédé par le sentiment de la hiérarchie humaine pour aller d’un bond du régime féodal à la pure égalité. Les communes se constituaient au profit exclusif d’une noblesse de second degré qui se laissa même, à l’origine, régir quelque temps par les capitaines ou les vicaires des anciens comtes. C’est la bourgeoisie qui façonne, pour son plus grand bien, l’ordre nouveau. À Florence, elle sut même fixer en son sein la hiérarchie des arts majeurs et des mineurs, du peuple gras et du peuple maigre. Mais en toutes les villes s’établit d’une façon plus ou moins rigoureuse l’échelle sociale d’après la valeur de l’industrie ou du commerce, par conséquent, d’après la richesse. En haut sont les notaires, les changeurs, les médecins, ceux qui tissent ou vendent les étoffes de soie, de velours ou de drap ; en bas, les gens de métier manuel ; mais plus bas encore est le minuto popolo, qui n’a point de corporations propres, qui se rattache, comme à Florence, à tel des arts mineurs ; la foule obscure des ciompi, qui vont pieds nus ; les popolani, que Dino Compagni nous montre sans cesse battus et insultés par « les grands et fiers citoyens ; » les plébéiens de Milan, qu’un noble peut tuer au prix de quelques écus.

C’est dans la classe des privilégiés d’Assise que saint Français