et mourir au monde sous la robe bénédictine. Mais il voyait trop bien que ni l’église séculière, ni le monachisme ne favoriseraient plus dans leur sein l’invention apostolique, que l’ancien régime ecclésiastique était impuissant pour répondre aux besoins des âmes, et que l’Italie renouvelée attendait, selon l’expression consacrée par la langue même de l’église, une « religion nouvelle. »
Lorsque, en l’année 1209, François d’Assise et ses onze premiers disciples présentèrent à Innocent III la première règle franciscaine, le pape et ses cardinaux hésitèrent pendant quelques jours à l’accepter ; ils jugeaient trop dure la profession de pauvreté et d’absolu renoncement ; Innocent paraît même avoir pressenti qu’un schisme ne tarderait pas longtemps à éclater dans l’ordre ; il bénit cependant le fondateur et son œuvre et renvoya avec compassion ces pèlerins à la grâce de Dieu. L’église de Rome ne comprenait pas alors, en effet, que les choses religieuses pussent à un tel point se détacher de tout intérêt temporel. Les conditions historiques où elle se trouvait engagée depuis les Hohenstaufen étaient, d’ailleurs, peu propres à l’incliner au mysticisme ; la lutte en vue du gouvernement spirituel de l’Occident, aussi vive qu’à l’époque de Grégoire VII, se compliquait à ce moment même, pour le saint-siège, de toutes les difficultés que l’établissement de l’empereur dans les anciennes souverainetés normandes d’Italie, la déchéance croissante du régime féodal, l’apparition des communes et les progrès de l’hérésie ajoutaient à la querelle séculaire de la papauté et de l’empire. Jamais Rome n’avait été plus résolument sourde à la parole divine : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » Mais cette parole elle-même, il ne lui avait jamais été possible, après Grégoire le Grand, de l’observer. L’histoire avait été plus forte que l’évangile. L’église, tout en relevant en Italie les débris de l’ordre social, avait fondé naguère à son profit la république chrétienne. Elle se servit des libéralités carolingiennes pour donner un abri politique à sa royauté religieuse ; puis à l’empire féodal elle dut opposer la papauté féodale, afin de reprendre à l’empereur l’épiscopat et les moines ; aux barons romains qui mettaient le saint-siège à l’encan, elle opposa l’évêque de Rome, suzerain du patrimoine ecclésiastique ; à la plèbe romaine, qui chassait les papes à coups de pierre, elle opposa le justicier pontifical ; aux tribuns populaires qui rêvaient trop haut de la république de Tite Live elle réserva l’excommunication et le bûcher. C’est une nécessité pour l’église du moyen âge de donner un point d’appui terrestre à son immense puissance spirituelle. Si le pape n’est pas le maître dans sa maison et dans ses basiliques, si la commune de Rome se lève contre lui, le patrimoine lui échappe, les barons se rient de son droit de suze-