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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/326

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qui commence à l’empire et qui finit aux invasions germaniques. Par société romaine nous entendrons tout ce qui était et s’appelait Romain, la Gaule par conséquent aussi bien que l’Italie[1].


I. — LE NOM DU DOMAINE.

Il est nécessaire d’observer d’abord les termes de la langue. Le mot propre pour désigner un domaine était fundus, et il n’est pas inutile de remarquer que ce mot contenait en soi l’idée de pleine et absolue propriété. On employait de la même façon le mot prœdium. L’un et l’autre se disaient indifféremment de terres et de maisons. Le terme villa ne s’appliqua d’abord qu’à la maison qui s’élevait sur le domaine, mais il s’étendit d’assez bonne heure au domaine tout entier. Un bien foncier se désignait aussi par le mot ager ; ce terme, qui avait plusieurs significations très distinctes, était souvent appliqué à l’ensemble d’une exploitation rurale, et alors il s’entendait des prés et même des forêts aussi bien que des champs labourés et des vignobles. On employait le terme agellus, et, bien qu’il fût un diminutif, nous observons dans de nombreux exemples qu’il se disait de propriétés souvent considérables. N’allons pas croire que l’agellus d’Horace fût un petit champ. Il y a des habitudes de langage qu’un historien ne doit pas négliger lorsqu’il étudie une société.

Un premier point digne d’attention est que chaque domaine rural avait un nom propre. Regardez le titre du Digeste qui est relatif à l’impôt foncier, vous y lisez que sur les registres du cadastre chaque propriété était inscrite « par son nom, » et non pas seulement par le nom du propriétaire. Regardez le titre qui traite du legs, et où les jurisconsultes citent quelques clauses testamentaires, vous remarquez qu’un testateur écrit rarement a la propriété que j’ai en tel lieu; » il écrit plutôt : « Ma propriété qui porte tel nom. » d’où l’on peut conclure que l’usage le plus habituel était de désigner un domaine, non par la localité où il était situé, mais par le nom

  1. Les principales sources pour les recherches sont : le recueil des Scriptores rei rusticœ; le recueil des Agrimensores ou Gromatici veteres, édition Lachmann-Rudorff; les Lettres de Pline le jeune, édition Keil ; le Digeste, édition Mommsen, 1870; le Code théodosien, édition Hænel, 1845; le Corpus inscriptionum Latinarum, Berlin, 1863-1885, 10 volumes in-folio. Nous trouverons aussi quelques renseignemens dans Salvien, dans les lettres de Symmaque et de Sidoine-Apollinaire, qui nous conduisent aux chartes de Ravenne, aux lettres de Grégoire le Grand, aux chartes mérovingiennes. — Parmi les travaux modernes, on pourra consulter les ouvrages de Dureau de La Malle, plusieurs dissertations de Savigny, la thèse de M. Ernest Desjardins sur les Tables alimentaires, un article de M. Mommsen, die italische Bodentheilung, dans l’Hermès de 1884. M. Ch. Lécrivain a traité un côté du sujet dans son étude sur la division onciale du fundus romain.