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grand ; il est de plusieurs milliers. Pour se reconnaître dans cette énorme collection, il est nécessaire d’y former des catégories. L’église elle-même a fait ce classement; pour mieux dire, elle s’est donné de très bonne heure des types d’office pour le matin et pour le soir. Chaque office se compose d’un certain nombre d’actes se reproduisant chaque jour dans le même ordre; à chacun de ces actes est attribué un ou plusieurs chants portant des noms déterminés. Rien d’aussi bien réglé que les offices, rien d’aussi constant que le caractère musical des chants de chaque espèce. Nous n’avons pas à entrer ici dans le détail de ces cérémonies; on le trouvera dans tous les livres connus sous les noms de paroissien, vespéral, missel, etc. Ce qui nous occupe en ce moment, c’est le caractère musical des chants rendus à leur rythme primitif. Quand on en a rétabli un assez grand nombre, une ou deux centaines, par exemple, on voit que tous ensemble forment les deux catégories que j’ai signalées, celle de la musique simple et celle de la musique fleurie. La première ne comprend que les antiennes ; la seconde embrasse tous les autres chants, saut les psalmodies, les hymnes et proses et quelques chants spéciaux. La classe des chants fleuris comprend donc les communions, les offertoires, les introïts, les alléluia, les traits, les répons, les graduels ; tous ces mots sont des expressions techniques désignant autant de scènes dans le drame sacré qui se joue en face de l’autel. Chaque scène a sa composition particulière; les introïts et les graduels sont des marches et suivent toujours une mesure à deux temps; dans certains morceaux, le chœur se partage en deux demi-chœurs, qui chantent alternativement.

Ce qui caractérise ici les airs fleuris, c’est la présence des fioritures ou mélismes; le premier de ces deux mots est italien, le second est grec ; ils ont même signification. Un mélisme est une suite de notes montantes, descendantes ou ondulant entre le grave et l’aigu ; c’est une sorte de « vocalise » que l’on introduit entre les notes essentielles du chant simple, autant que possible sans l’altérer. Il faut distinguer les mélismes des notes d’agrément : celles-ci, que l’on écrit ordinairement en petits caractères, ne comptent pas dans la mesure et souvent sont livrées à l’inspiration du chanteur ; les mélismes sont des notes ordinaires et comptent dans la mesure au même titre que les notes du chant simple. Ils se rapprochent de ce qu’on nomme variations ; seulement dans nos variations le thème est souvent tronqué, altéré et mis en pièces ; les mélismes sont de simples intercalations. Dans les airs d’église, ils reviennent toujours les mêmes ; avec un peu d’exercice on les reconnaît facilement et on peut les extraire des morceaux où ils se trouvent. J’en ai dressé une liste ; leur nombre se réduit à une trentaine.