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Ces petites fleurs étant détachées du fond où elles se trouvent, ce qui reste, c’est l’air qui a servi de thème au morceau fleuri. Ce thème est une antienne. Une réduction analogue peut être faite sur la plupart des chants de la seconde catégorie et nous rendre la musique de ces morceaux dans sa sincérité native. Ce travail, assez long, est pourtant facilité par la structure même des morceaux fleuris ; on y remarque, en effet, que les phrases simples y alternent avec les phrases chargées de notes. On dirait que les unes ont eu pour but de reposer le chanteur des efforts qu’il a faits en exécutant les autres. Peut-être a-t-on voulu ne pas effacer entièrement l’œuvre ancienne en la noyant sous un déluge de notes ajoutées. N’est-ce pas plutôt un frein imposé à la virtuosité des chantres ? Quoi qu’il en soit, la réduction des chants fleuris à l’antienne est un des documens les plus importans de l’histoire de notre musique sacrée. En effet, presque tous ces chants se trouvent dans les plus anciennes collections, notamment dans celles de saint Grégoire, qui fut pape de l’année 590 à l’année 604. Son Antiphonaire et son Graduel ont plus tard été écrits sur des portées et ont alimenté les offices ; ils ont été comme deux trésors où l’on a toujours puisé. Mais saint Grégoire n’était pas l’auteur de ces mélodies ; il n’avait fait que les réunir pour en assurer la durée et la fidèle exécution. Nous savons, d’autre part, que l’usage de l’antienne était suivi dès les commencemens de l’église, au temps où les chrétiens s’appelaient nazaréens ou galiléens, et même avant Jésus-Christ dans les communautés esséniennes. Dans ces premiers temps, il n’est pas question de graduels, d’introïts, ni en général de chants fleuris. On est donc en droit de penser que les antiennes ont été usitées d’abord, et que les morceaux fleuris sont venus plus tard, ayant pour thèmes des airs d’antienne auxquels on ajoutait des fioritures. Ces données se précisent plus encore : en effet, les paroles d’un assez grand nombre de morceaux sont tirées des apocryphes de la Bible, c’est-à-dire du livre d’Enoch, de l’Apocalypse d’Esdras et d’autres qui ont été exclus du canon des Écritures, représenté par la Vulgate de saint Jérôme. Cette dernière traduction est de 402. Les chants faits sur des textes extraits des apocryphes sont nécessairement antérieurs à cette date. D’autre part, ceux qui sont pris, par exemple, dans l’Apocalypse de saint Jean ou dans quelque épître dont les dates sont connues, ne sont pas antérieurs à ces publications. De ces faits et d’une foule de textes anciens, on est en droit de conclure que la période des antiennes comprend les trois premiers siècles, et que la période fleurie lui a succédé, s’étendant jusqu’à la fin du VIe siècle, époque de Grégoire le Grand. Cela ne veut pas dire qu’on n’ait plus composé d’antiennes ni de