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non moins indispensable, était de se contenir strictement dans les limites annoncées.

A-t-on gardé cette mesure? Il s’en faut de beaucoup. La chambre, à qui les ministres assuraient qu’il était loisible au gouvernement d’emprunter indéfiniment, ne s’est plus refusé aucune dépense, aucune création, quelque coûteuse qu’elle dût être; aucune entreprise nouvelle, quelque douteuse qu’en pût être l’utilité. Les convoitises locales et les compétitions de clocher qui se formulaient en exigences irrésistibles, les préoccupations électorales, qui commandaient de ne point marchander aux populations les satisfactions les moins légitimes, tout concourut à faire prendre immédiatement au programme des travaux publics des proportions démesurées. Il n’avait été question d’abord que d’un maximum de 400 millions par an ; encore comptait-on que les études à faire, les enquêtes, les approbations des plans, la mise en train nécessaire, permettraient, pendant les deux premières années, de s’en tenir à un chiffre beaucoup moindre, mais, dès la seconde année, la nécessité de s’assurer le succès dans les élections générales de 1881, par une libérale distribution de chemins de fer, contraignait le gouvernement à doubler le chiffre de la dépense. Voici, en effet, quelle a été la progression du budget extraordinaire :


1879 285,395,742 fr. 87
1880 606,606,855 32
1881 972,765,103 36
1882 681,607,531 33
1883 608,050,804
Total pour les cinq années, 3,154,426,036 fr. 88


En même temps qu’on accroissait démesurément la dépense, il devenait nécessaire de grossir la source à laquelle on comptait puiser les fonds, c’est-à-dire les dépôts des caisses d’épargne. De là la loi de 1880, qui porta jusqu’à 2,000 francs le maximum des livrets d’épargne, sagement limité à 1,000 francs par une loi de l’empire. L’argent afflua aussitôt, l’intérêt servi par les caisses d’épargne étant sensiblement supérieur à celui qu’on pouvait obtenir partout ailleurs pour des dépôts temporaires et surtout pour des dépôts exigibles à bref délai. Cependant les besoins du budget extraordinaire étaient si considérables et si pressans, qu’on songea à tenter les épargnes des petites gens par un surcroît de facilités et d’avantages. Tel fut l’objet de l’inutile et dangereuse loi qui établit les caisses d’épargne postales. Cette création dénatura le caractère des caisses d’épargne dont la destination est de servir d’asile provisoire aux petites économies jusqu’à ce que l’emploi en