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V du ministère des finances (service de la dette flottante) si tant est que la cour des comptes puisse obtenir ces justifications, qu’elle se plaint de n’avoir pas toujours reçues pour le passé.

Est-ce tout, enfin? Non, certes, car après les emprunts par émission publique, et, après les emprunts secrets et temporaires, il nous reste à parler d’une troisième catégorie d’emprunts : les emprunts par voie indirecte. Ce n’était ni par le budget ordinaire, ni même par le budget extraordinaire que le gouvernement pouvait subvenir à toutes les dépenses qu’il assumait, et à toutes les subventions par lesquelles il suscitait autour de lui une foule d’entreprises. De là la nécessité de recourir à un nouveau mécanisme pour lever de l’argent, de là l’institution des diverses caisses qui fonctionnent parallèlement au budget. Constituer des êtres fictifs, leur conférer le droit d’emprunter sous la garantie de l’état, leur remettre la mission de trouver les sommes nécessaires pour un objet déterminé et de les distribuer ensuite, en laissant à l’état la charge et le remboursement de tous ces emprunts : voilà ce qu’un spirituel orateur a appelé le coup des caisses. C’est bien l’état qui emprunte sous le voile transparent de ces êtres fictifs, puisque c’est sa garantie qui fait seule le crédit de leur papier. Tout l’argent qui entre dans ces institutions ou qui en sort est de l’argent d’emprunt, car, suivant la déclaration faite au sénat par M. Tirard, ministre des finances, « il n’y a jamais rien eu dans aucune de ces caisses. » Elles constituent donc autant de suçoirs appliqués au corps de la nation pour aspirer et absorber les épargnes du pays au détriment du commerce et de l’industrie, à qui les capitaux manquent de plus en plus.

Les conventions avec les compagnies de chemins de fer ne sauraient être passées sous silence. La conclusion de ces conventions était le préliminaire indispensable de la suppression du budget extraordinaire, et cela seul suffirait à les justifier. Au point de vue économique, elles ne sont pas moins faciles à défendre : l’état est un constructeur peu économe ; il est un exploitant plus malhabile encore, et ses agens sont sans défense contre les influences parlementaires ; il y avait donc avantage à remettre à l’industrie privée l’achèvement et l’exploitation du troisième réseau. Il n’en est pas moins vrai que les conventions font peser une très lourde charge sur les finances publiques. Le gouvernement avait vis-à-vis des populations des engagemens téméraires : des lignes dont le trafic ne couvrira pas avant quinze ou vingt ans les dépenses d’exploitation avaient été, non-seulement promises, mais étudiées; un certain nombre avaient même reçu un commencement d’exécution. En consentant à se substituer à l’état pour ces travaux destinés à demeurer longtemps improductifs, les compagnies ont voulu légitimement limiter les risques qu’elles faisaient courir à leurs actionnaires.