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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/405

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et que l’on a droit de considérer comme fictives : par exemple, les imputations sur les excédens prétendus des exercices antérieurs. Cette dernière pratique a été inaugurée timidement en 1878 ; on s’était contenté alors d’imputer 1,182,000 francs sur les excédens de 1876 ; mais le procédé fut trouvé commode, et, dès 1879, tout en rejetant 67 millions de dépenses ordinaires sur le budget d’emprunt, on imputa 119 millions 1/2 sur les excédens de recettes de 1875, de 1876 et de 1877. L’année suivante, 48 millions furent imputés sur les excédens de 1876, 1877 et 1878, et 99 millions de dépenses ordinaires furent rejetés sur le budget d’emprunt. Pour 1881, les imputations sur les excédens de 1877, 1878 et 1879 s’élevèrent à 80 millions 1/2, et 121 millions furent mis indûment à la charge du budget extraordinaire. L’exercice 1881 est, en effet, celui où ce dernier abus atteignit les proportions les plus scandaleuses : huit ministères : l’intérieur, les finances, les postes, l’instruction publique, l’agriculture, la guerre, la marine et les travaux publics se déchargèrent ainsi d’une partie de leurs dépenses normales. Le ministère de la guerre paya de cette façon les transports de troupes, les achats de poudre et de munitions pour renouveler l’approvisionnement des arsenaux, les réparations d’armes, les dépenses de remonte et de harnachement ; le ministère de la marine en fit autant pour une partie du matériel naval et pour les travaux d’entretien des ports ; et les autres départemens pour la reconstruction, l’agrandissement ou la réparation des édifices ministériels. Il est aisé de comprendre que le budget ordinaire de 1881, allégé par de pareils procédés de plus de 200 millions qu’il aurait dû supporter, et bénéficiant d’une plus-value de 100 millions sur les évaluations de recettes, ait pu être présenté comme ayant donné un excédent de 109 millions ; mais cet excédent, obtenu aux dépens du budget extraordinaire, surchargé d’une somme plus élevée, n’était qu’une fiction : il allait servir, cependant, par de nouvelles imputations, à mettre dans un équilibre apparent quelques-uns des budgets suivans.

L’incorrection de ce procédé financier est d’autant moins contestable qu’on disposait de ces excédens avant qu’ils eussent reçu la consécration légale. En effet, les excédens ou les insuffisances d’un exercice n’acquièrent un caractère de certitude et ne deviennent indiscutables qu’après le vote de la loi qui règle définitivement les comptes de cet exercice : jusqu’à ce vote, on est seulement en face de chiffres provisoires qui peuvent varier et qui varient souvent, en plus ou en moins, d’après les rectifications apportées à certains comptes. Cela est si vrai que, sous le régime actuel, avec le désordre qui s’est introduit dans la comptabilité de plusieurs ministères, on a vu des crédits être annulés et reportés par une loi sur