Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/406

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un exercice subséquent, puis être rétablis par une autre loi au compte de l’exercice auquel ils avaient été enlevés quelques mois auparavant. On disposait donc d’excédens non-seulement provisoires, mais destinés à le demeurer longtemps encore, puisque les lois de règlement des comptes sont encore en retard de huit ou neuf ans. Eussent-ils été définitifs qu’on n’aurait pas eu le droit d’en faire cet usage. En effet, ces excédens reviennent de droit à la dette flottante; ils en constituent l’actif, ou, si l’on veut, la contre-partie : la dette flottante est la conséquence des insuffisances de recettes qui ont contraint le trésor à emprunter les fonds qu’il n’avait pas; de même, les excédens de recettes servent à éteindre ces emprunts temporaires ; et, en réalité, dans la pratique, ils ne reçoivent pas d’autre emploi. Ils ne peuvent jamais constituer une ressource effective, susceptible de défrayer une dépense quelconque. A voir nos ministres et nos commissions du budget inscrire gravement au budget des recettes ces imputations sur les excédens d’un exercice antérieur, un lecteur naïf pourrait s’imaginer qu’il existe au ministère des finances un coffre-fort spécial, une sorte de tirelire gouvernementale dans laquelle on dépose scrupuleusement les excédens de recettes, et qu’à l’occasion on puise dans cette tirelire les millions dont on a besoin pour équilibrer le budget. Il va sans dire que les choses ne se passent pas ainsi : à mesure qu’il encaisse les recettes, le trésor les emploie aux paiemens de chaque jour et à l’acquittement des créances qui arrivent à échéance : par conséquent, imputer une dépense sur un excédent de recettes antérieur à l’exercice courant, c’est simplement décider que le trésor remettra en circulation les bons ou les obligations qu’il a pu éteindre ou bien qu’il empruntera à nouveau une somme égale au crédit ainsi doté : ce n’est pas fournir une ressource au ministre des finances ; c’est sanctionner un pur jeu d’écritures. Veut-on avoir, au sujet de ces imputations, une appréciation qui ne saurait être suspecte? Un article du projet de loi récemment voté sur les sociétés de secours mutuels accroissait la dotation de ces sociétés de 10 millions imputés, partie sur les excédens de 1879, et partie sur ceux de 1880. M. le sénateur Merlin, dans la séance du 8 avril 1886, au nom de la commission sénatoriale des finances, repoussa cet article en ces termes : «Nous avons voulu examiner ce que présentait de sérieux et de fondé l’imputation qui en est faite, dans l’article 21, sur les excédens des exercices 1879 et 1880. Ces excédens constituent-ils bien une ressource?.. Incontestablement non. Dans les écritures, dans la comptabilité du trésor, ils peuvent avoir été réservés ; et, si nous examinons la situation des exercices 1879 et 1880, situation incontestablement provisoire, puisque les comptes de ces exercices n’ont