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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/450

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et place, dans le Midi. Cette organisation, approuvée par le roi pour la forme, était en réalité l’œuvre de Wickham. L’Angleterre s’étant enfin décidée à appuyer Willot, à envoyer sur les côtes de Provence un corps de débarquement, c’est l’agent britannique qui avait pris l’initiative et la haute direction du mouvement. Venu de Berne à Augsbourg, il donnait des ordres à Précy comme à Willot. Il lui enjoignait de s’assurer des déserteurs, des conscrits mécontens, pour former le noyau de son armée, d’acheter des fusils, du plomb, de la poudre, de se tenir prêt à se porter sur Lyon et, en attendant, de chercher à gagner les généraux républicains qui commandaient les garnisons de cette ville et des villes voisines.

Il invitait Willot à prendre des mesures analogues, afin d’opérer dans le Midi de la même manière que Précy dans le Lyonnais. Avec les fonds qu’il tenait de son gouvernement, il pourvoyait à toutes les dépenses, faisait même passer de l’argent à l’agence de Paris. Il remettait à Précy jusqu’à « cinquante-six mille louis. » L’énormité de cette somme excitait l’envie de certains émigrés et, tant étaient profondes les divisions qui régnaient entre eux, que certains ne craignaient pas d’insinuer que Précy ne ferait rien de ce qu’on attendait de son zèle, qu’une fois entré en France il ne reviendrait pas et « garderait l’argent. »

On peut juger à ces traits combien avait été laborieux l’enfantement de l’organisation générale. L’approbation qu’y donnait l’ordonnance rendue par Louis XVIII n’en rendit pas le fonctionnement plus facile que l’enfantement. Elle aggrava même les difficultés. Ce fut d’abord par la faute de Précy. En présence de l’étendue des pouvoirs donnés à Willot, sa jalousie s’éveilla[1]. Précédemment, il avait déclaré que son action devait s’exercer dans le Lyonnais seulement et décliné le commandement dans le Vivarais et le Dauphiné. Maintenant que ce commandement était octroyé à Willot, il le revendiquait;

  1. En fait, il s’abstint d’agir. Le 27 mars, il était autorisé à se transporter dans l’intérieur. « Sa Majesté ne doute pas que l’occasion n’y soit incessamment favorable. L’ouverture de la campagne, déjà commencée en Italie, et prête à s’ouvrir sur le Rhin, donnera assez d’occupation aux troupes françaises pour qu’on puisse agir avec sûreté dans les environs de Lyon, surtout si des succès répondent aux préparatifs qui sont faits. » Cette lettre du cabinet du roi ne l’arracha pas à son immobilité. On en trouve la preuve dans celle-ci, adressée le 22 avril au président de Vezet : « M. de Précy n’a point encore écrit, et, sans vouloir rien préjuger sur ses plaintes, Sa Majesté trouverait extraordinaire qu’il se formalisât de ce que le général Willot ne lui a pas communiqué les ordres qui lui étaient adressés. Au surplus, elle ne regarde point les provinces que M. de Précy appelle son département comme ne pouvant en être distraites. » Précy, froissé, bouda, se plaignit : « La lettre de M. de Précy m’est en effet parvenue. Le roi n’a pas pensé qu’elle exigeât réponse. Sa Majesté compte toujours sur son zèle et ses bons services. »