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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 77.djvu/581

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3 pour 100 un capital de 1,466,149,563 francs. On voit à quel point M. le sénateur Millaud s’était aventuré lorsqu’il avait traité si dédaigneusement l’affirmation de M. Chesnelong qu’un emprunt de 1 milliard serait indispensable en 1886. C’était de 1 milliard 1/2 que le gouvernement déclarait avoir besoin. Il faisait deux parts de cet énorme emprunt. Il commençait par rembourser la totalité des obligations sexennaires en circulation, qui s’élevaient précisément à 466,149,563 francs ; sur le milliard de surplus il prélevait les 152 millions votés pour le budget extraordinaire de 1886 et qu’il aurait dû se procurer par l’émission d’obligations à l’échéance de 1892, les 105 millions inscrits au budget du ministère de la guerre pour solde du second compte de liquidation, et 12 millions destinés à restituer aux trésoriers payeurs généraux une partie de leur cautionnement ; 100 millions devaient servir à rembourser à ces mêmes trésoriers payeurs généraux, dont on voulait modifier la situation, leurs avances en compte courant au trésor ; 230 millions à éteindre les bons du trésor ; et il ne restait que 400 millions à appliquer à la dette de l’état envers les déposans des caisses d’épargne et de la caisse des retraites pour la vieillesse.

Ces trois dernières sommes se montent ensemble à 730 millions, et il se trouve que les découverts laissés par les régimes qui se sont succédé en France de 1814 à 1870 figurent dans les écritures du trésor pour un peu plus de 725 millions. La similitude fortuite de ces deux chiffres paraît avoir vivement frappé l’esprit du ministre des finances ; elle lui a suggéré, dans son exposé des motifs, la réflexion suivante : » Cette somme est égale, à 4 millions près, au montant des découverts antérieurs à 1870. La liquidation actuelle n’aurait donc pour effet que la consolidation du passif légué à la république par les régimes qui l’ont précédée. » On a lieu d’être surpris que M. Sadi-Carnot, qui est un homme sérieux et instruit, se soit laissé aller à consigner dans un document public une remarque aussi enfantine. Il pouvait s’attirer une réclamation de M. Léon Say et de tous les ministres qui, avant lui, ont consolidé une partie de la dette flottante. Il est à présumer que, pas plus que ses devanciers, il n’a l’intention de faire disparaître des écritures du trésor les 725 millions de découverts, qui continueront d’y figurer comme devant, attendu qu’il n’y a aucun rapport entre ces comptes d’ordre et l’emprunt de 1886 ou tout autre emprunt. Cependant, cette naïveté a été relevée avec empressement par les rapporteurs des deux chambres et par divers orateurs, qui en ont fait le thème de développemens éloquens. A prendre au pied de la lettre cette belle rhétorique, on devrait croire que le trésor est journellement assiégé par une légion de créanciers des anciens régimes, qui lui réclament 726 millions,