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disparaître ce découvert, s’il en connaît quelque moyen pratique, avant de s’aventurer dans des critiques rétrospectives.

Le troisième des projets de loi présenté par le gouvernement avait trait à la transformation de l’impôt des boissons. Il supprimait l’exercice et quelques menues taxes, et il abolissait le privilège des bouilleurs de cru ; d’autre part, il doublait les licences des débitons de boissons ; il élevait de 156 francs à 215 francs par hectolitre la taxe sur les alcools, et il soumettait à un impôt les fruits secs susceptibles d’être employés à la fabrication du vin. Le trésor sacrifiait, d’un côté, 49 millions de recettes anciennes, il gagnait, de l’autre, 125 millions de recettes nouvelles ; et l’accroissement définitif du revenu était évalué aux 76 millions nécessaires pour équilibrer le budget. Il reste à savoir comment MM. Rouvier et Millaud et surtout M. de Freycinet concilieraient les 20 millions imposés aux bouilleurs de cru, les 8 millions exigés des débitans, les 2 millions demandés au commerce des fruits secs, avec leurs affirmations qu’aucun impôt nouveau ne deviendrait nécessaire en 1886 pour la mise en équilibre du budget. Jamais prophètes ne reçurent des faits un plus complet démenti. Comme suite aux mesures qui viennent d’être analysées, un quatrième projet de loi introduisait rétroactivement, dans le budget de 1886, les modifications qui découlaient de la substitution de rentes 3 pour 100 à une portion notable de la dette flottante, et de la consolidation des obligations antérieurement émises. Enfin, le ministre annonçait l’intention de mettre obstacle à la reconstitution de la dette flottante en limitant, pour l’avenir, à 200 millions la somme que le Trésor pourrait se faire avancer sur les fonds des caisses d’épargne et de la caisse des retraites.

Si la proposition d’un emprunt de 1 milliard 1/2, venant sitôt démentir les affirmations de M. de Freycinet, causa une réelle stupeur dans la généralité du public, en revanche, le monde de la bourse fut loin de faire un accueil défavorable aux combinaisons de M. Carnot. Les spéculateurs de profession, qui luttaient vainement depuis de longs mois contre la paralysie des affaires et voyaient tarir la source de leurs profits, espérèrent qu’une grande opération financière tirerait de sa torpeur le marché des fonds publics et ranimerait les transactions dont ils vivent. Ils étaient disposés à trouver l’emprunt trop peu considérable et regrettaient qu’on ne demandât pas, d’un seul coup, au public, les 2 milliards 1/2 qui étaient nécessaires pour liquider définitivement le passif des huit dernières années. A l’appui de cette thèse, les journaux financiers rappelaient le grand mouvement d’affaires et la période de prospérité qui ont suivi les énormes emprunts contractés pour la