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primaire ; la conséquence, c’est le petit despote, maire de Saint-Germain, faisant à tous les fonctionnaires municipaux une obligation d’envoyer leurs enfans à l’école laïque de son choix. D’un seul coup, cet étrange républicain a trouvé le moyen de violer la loi, de supprimer la liberté de conscience pour les pores de famille, et de donner un nouveau spécimen des passions exclusives de son parti. — Le gouvernement, dira-t-on, a annulé cet arrêté. Oui, le gouvernement a cassé l’arrêté compromettant du maire de Saint-Germain : il se garde bien de rompre ouvertement avec l’esprit qui l’a inspiré. Il fait ici ce qu’il fait partout. Il envoie des soldats pour maintenir l’ordre là où les grèves menacent la paix politique, il amnistie en même temps ceux qui ont mérité d’être condamnés pour avoir porté le désordre parmi les malheureuses populations ouvrières de l’Aveyron. Il ne veut pas trop se brouiller avec les radicaux, — et voilà pourquoi la session qui va se rouvrir dans quelques jours ne sera, on peut le craindre, que ce qu’ont été jusqu’ici toutes les autres sessions.

Rien n’est changé dans nos affaires ni dans les idées de ceux qui les conduisent, et si l’on pouvait avoir quelque doute sur l’esprit qui va régner dans la session prochaine, on n’a qu’à voir les premières délibérations de la commission du budget, qui vient de reprendre ses travaux suspendus pendant les vacances. M. le ministre des finances est allé devant la commission soutenir les combinaisons qu’il a présentées il y a déjà sept mois, et aussitôt ont surgi les dissidences, les propositions de remaniemens d’impôts, les fantaisies de réformes radicales. Bref, M. le ministre des finances a son budget, la commission veut faire son budget, chacun des membres de la commission a son projet, et, avec tout cela, il y a bien des chances pour qu’on n’arrive ni à l’équilibre financier que le pays désire, ni même à un examen sérieux, utile et opportun des finances publiques. Le vice profond et sensible de cette situation est dans cette prétention qu’ont les commissions parlementaires de substituer leur omnipotence au contrôle qui est leur droit constitutionnel, de se mêler de tout, de s’emparer par le budget de l’administration du pays, au risque de confondre tous les pouvoirs et de déplacer toutes les responsabilités. Cette fois encore, on le pense bien, la commission n’a pas manqué de satisfaire ses passions au détriment du budget des cultes, qu’elle maintient par grâce en le mutilant. Elle est allée jusqu’à supprimer une somme de cent mille francs, dont M. le cardinal de Lavigerie se sert patriotiquement dans l’intérêt de notre domination en Afrique. Ce qu’il y a de bien clair, c’est qu’avec l’anarchie politique, on ne refait pas l’ordre financier, et si l’on veut, à l’heure qu’il est, chercher un symbole de la situation présence, c’est dans cette statue qu’on élevait audacieusement, ces jours derniers, dans une ville du midi, à l’insurrection. Voilà qui est fait pour préluder heureusement à la session prochaine et pour attester un état