conscience, par l’effet de l’habitude et de l’hérédité. Cette théorie n’exclut d’ailleurs aucune des deux autres, mais elle les rattache à un principe plus véritablement primordial.
Selon M. Spencer, nous l’avons vu, l’instinct naîtrait par la complication de mouvemens réflexes purement automatiques. Cette doctrine, telle du moins que M. Spencer l’a exposée, ne peut être admise, parce que M. Spencer prend pour point de départ le réflexe absolument mécanique sans mélange de sentiment ni d’appétition. Nous croyons, au contraire, qu’à l’origine tout mouvement dans les êtres animés était appétitif. Considérons par exemple les mouvemens du cœur. Aujourd’hui, le cœur bat au moyen d’actions réflexes sans participation de la conscience interne ; pourquoi ? C’est que, grâce au perfectionnement de la circulation, le stimulus de l’organe, c’est-à-dire le sang, est perpétuellement renouvelé ; aussi n’y a-t-il plus aujourd’hui aucun appétit, aucun besoin distinct qui, dans notre conscience, réponde à la circulation du sang. Pour la respiration, il n’en est pas ainsi : dès qu’elle s’arrête, le besoin se fait manifeste ; c’est un instinct qui n’est pas encore complètement mécanique. Les appétits s’accompagnent de sensations nettes dès qu’il s’agit des fonctions proprement dites de nutrition et de reproduction : notre machine corporelle n’est pas assez perfectionnée pour se nourrir toute seule ni pour se reproduire toute seule. C’est d’ailleurs dans ce vaste domaine de la nutrition et de la reproduction que les premiers instincts sont nés, et ils s’y sont conservés sous forme d’appétits, avec participation du sentiment et de la conscience. Les instincts des animaux sont toujours mis en action par un stimulant sensible venu des organes de la nutrition ou des organes de la génération ; le mécanisme structural aurait beau exister chez eux, il ne fonctionnerait pas sans le moteur de l’appétit : il faut la faim, il faut la soif, il faut des sensations viscérales pour exciter l’instinct de la chasse, la poursuite de la nourriture ; il faut des sensations dans les organes sexuels pour exciter l’instinct de reproduction. Chacun sait que si, au moment où la poule veut couver, on lui plonge le ventre dans l’eau froide, l’instinct du couvage cesse de se manifester ; de même, la mutilation de certains organes produit généralement la disparition des instincts reproducteurs. Si donc il y a dans l’instinct un mécanisme automatique, il y a aussi, comme primum movens, une excitation consciente et actuelle au début de la série d’actes dont le mécanisme est le déroulement ultérieur. On en peut induire que, dans l’origine, chacun des momens de l’action instinctive en voie de s’organiser était conscient et appétitif. C’est par la répétition et l’habitude que les mouvemens sont devenus automatiques, d’abord chez l’individu, puis dans l’espèce. L’automatisme actuel de l’abeille