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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre.

Il y a, par bonheur, encore de la ressource en France, dans cette France dont on se plaît si souvent à médire en la jugeant sur les travestissemens qu’elle subit. Tout n’est pas misère, intrigue ou vanité, et ce temps même où nous vivons, si triste, si décourageant qu’il soit parfois, a des contrastes d’une haute et rassurante signification. A côté des incidens médiocres, des passions vulgaires qui s’agitent stérilement et des basses œuvres de la politique de tous les jours, il y a de ces bonnes fortunes qui viennent à propos montrer que la source des pensées généreuses et des nobles actions n’est point tarie.

Tandis que les républicains de Carcassonne élèvent une statue à un insurgé, sans doute pour mieux assurer la république, et que M. le président du conseil dore dans ses discours mielleux sa servitude vis-à-vis du radicalisme ; tandis que les personnages du jour passent leur temps à ruiner l’industrie par les grèves ou à en finir avec l’ordre financier dans la commission du budget, voici un prince, victime des haines mesquines de parti, qui accomplit simplement un acte de libéralité unique. Frappé par une expulsion imméritée dans ses sentimens les plus chers, atteint sans justice dans son titre de doyen des généraux de la France, M. le duc d’Aumale emploie ses heures d’exil à doter l’Institut, dont il est l’honneur, et par l’Institut le pays lui-même, de son beau domaine de Chantilly. Le généreux donateur a tout prévu pour que cette libéralité, dès ce moment irrévocable, eût un emploi digne de sa propre pensée et de la France, pour qu’elle servit à créer, au milieu de nos mobilités, une vraie et durable institution nationale sous le nom historique de Condé. Qu’on s’ingénie à chiffrer l’importance