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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/110

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pour réclamer la place qui leur a été refusée jusqu’ici dans l’enseignement officiel. Heureux si elles ne disent pas aux autres doctrines :


La maison est à moi, c’est à vous d’en sortir!


Je ne saurais, quant à moi, leur reconnaître un droit positif à l’enseignement dans les écoles de l’état ; mais il me paraîtrait à la fois illégitime et imprudent de leur refuser un droit négatif. J’entends le droit, pour ceux qui les professent, de participer à l’enseignement de la philosophie, en s’abstenant sur les points où elles sont formellement et exclusivement engagées. Ainsi ils pourront enseigner une psychologie tout expérimentale et une morale tout humaine : ils se tairont sur la distinction métaphysique de l’âme et du corps et sur les bases religieuses de la morale. Ils n’enseigneront rien, en un mot, ni qui soit contraire à leurs opinions, ni qui soit la négation formelle de quelqu’un des dogmes chrétiens.

Nous n’inventons pas ce modus vivendi. Il s’est établi de lui-même dans notre enseignement public. Beaucoup lui préféreraient cependant une solution plus radicale. Ils voudraient retrancher des programmes toutes les questions qui peuvent donner lieu à un conflit entre la philosophie et la foi. Ils ne permettraient ni aux spiritualistes ni aux matérialistes de parler de l’âme et de Dieu, ou plutôt ils ôteraient aux uns et aux autres toute occasion de se prononcer sur ces entités surnaturelles, qu’ils abandonneraient à l’enseignement théologique. Ce sont, disent quelques-uns des « questions confessionnelles, » qui ne doivent plus trouver place dans l’enseignement de « l’état laïque. » On affecte, en effet, de confondre l’état laïque ou séculier, indépendant de toute autorité ecclésiastique, avec une conception positiviste de l’état, qui, sous prétexte d’une égale neutralité entre toutes les doctrines théoriques ou philosophiques, ne serait, en réalité, que la domination exclusive d’une seule école de philosophie. La neutralité ne serait qu’apparente. La philosophie positive, maîtresse de l’état, aurait seule la parole dans l’enseignement public. Elle exclurait a la fois le spiritualisme et le matérialisme; mais, par cette double exclusion, elle serait loin de tenir entre les deux doctrines la balance égale. Le matérialiste est d’accord avec le positiviste pour construire la philosophie tout entière en dehors des idées de Dieu et de l’âme. Les deux systèmes ne se séparent que parce que l’un prétend nier ce que l’autre se contente de déclarer « inconnaissable. » Le positiviste ne refuse donc au matérialiste que le droit de professer des négations qui n’ajoutent ni ne retranchent rien au fond commun de leurs doctrines. Il impose une restriction plus ou moins gênante à son zèle