retrouveront ce conflit dans la vie, et le plus sûr bienfait d’une libre éducation est d’y préparer de bonne heure les jeunes intelligences.
Ainsi, en ce qui concerne les élèves, l’inégalité n’est qu’apparente entre les immunités du spiritualisme et l’interdit dont le matérialisme est frappé. Elle est plus réelle du côté des maîtres. Ici, il y a vraiment liberté complète pour les uns, restriction de la liberté pour les autres. Les questions qui touchent à l’ordre religieux ne sont pas d’ailleurs les seules où la même inégalité se produise. Un professeur peut glorifier, il ne pourrait attaquer le principe et la forme du gouvernement établi. Ceux qui se plaignent le plus haut de l’exclusion du matérialisme seraient peut-être les premiers à dénoncer comme une trahison envers la république l’introduction d’idées monarchiques dans l’enseignement officiel. Ils diront que le cas n’est pas le même, car l’état ne sort pas de ses attributions quand il protège son propre gouvernement, il s’en écarte, au contraire, quand il agit dans intérêt d’une église quelconque, dont l’autorité ne se confond en aucun point avec la sienne. Je répondrai que les deux cas sont identiques au point de vue de la liberté du professeur. J’ajouterai que l’état remplit un égal devoir quand il demande à son enseignement de respecter à la fois et ses institutions et la religion des familles. Et je pourrais rappeler que, si le respect pour les dogmes religieux en exclut la critique, la critique des institutions, dans une société libre, n’est pas nécessairement un manque de respect, puisqu’elles ne reposent que sur l’assentiment volontaire et raisonné de la majorité des citoyens. Je ne veux pas d’ailleurs poursuivre une comparaison que je n’ai introduite que sur la question de liberté. Celui qui enseigne au nom de l’état ne peut prétendre à une liberté complète. Il doit souffrir toutes les restrictions que réclament les devoirs de l’état. La restriction ne blesserait le principe même de sa liberté que s’il était forcé, non-seulement de s’interdire l’exposition de certaines doctrines, mais de professer des doctrines contraires à ses convictions. Le matérialiste est gêné dans sa liberté s’il ne peut enseigner le matérialisme ; il est atteint dans la sincérité même de sa conscience s’il est obligé d’enseigner le spiritualisme. Son devoir, dans ce cas, serait de se retirer d’un enseignement qui lui ferait une obligation du mensonge. On pouvait ne pas prévoir cette éventualité, il y a quelques années, ou refuser d’en tenir compte, quand les adeptes déclarés du matérialisme et de l’athéisme semblaient une quantité négligeable et, dans tous les cas, une quantité qui ne pesait d’aucun poids dans la faveur des pouvoirs publics. Il en est autrement aujourd’hui. Des doctrines qui n’étaient qu’un objet d’horreur dans les régions officielles, non-seulement ont vu croître le nombre de leurs adhérens, mais se sentent assez fortes près des puissans du jour