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lequel on entre à vingt-deux ou vingt-trois ans, et qui est loin d’être contenu aujourd’hui par la crainte des dénonciations ou des attaques d’un clergé défiant ou hostile : il peut traiter librement ces questions si délicates de métaphysique et de morale qui ont été l’objet de continuels débats entre la philosophie et la théologie, et il sait les traiter sans donner lieu à aucune plainte sérieuse de la part des familles les plus attachées à leur foi.

Si l’on débute jeune dans l’enseignement de la philosophie, on n’y débute pas sans de fortes garanties de savoir et d’aptitude professionnelle. Les grades exigés (licence et agrégation) ont aussi leurs programmes, non moins respectueux de la liberté de penser des futurs professeurs que les programmes d’enseignement, mais leur indiquant cependant la direction générale que doivent prendre leurs études pour répondre à la destination de la philosophie dans l’ensemble de notre enseignement secondaire. M. Fouillée a très bien défini cette direction, en disant qu’elle doit être « historique et critique: » historique, car si le professeur ne doit parler que d’après sa conviction personnelle, il doit surtout se proposer de préparer ses élèves à juger par eux-mêmes, en leur faisant connaître, avec sa propre opinion, celle des philosophes les plus illustres ; critique, car le principal fruit de la classe de philosophie sera moins l’acquisition d’opinions toutes faites que le développement de l’esprit philosophique, c’est-à-dire d’un esprit de discernement et de libre et impartial jugement. De là la place considérable que tiennent, dans les programmes de licence et d’agrégation, l’étude et la discussion d’un certain nombre de textes anciens ou modernes. Quant aux questions proprement dogmatiques, elles ne sont point, dans ces programmes, l’objet d’une nomenclature spéciale ; on s’en réfère aux programmes mêmes de l’enseignement.

Certains esprits, soucieux à l’excès de la liberté de la pensée, voudraient écarter des examens les questions dogmatiques. Ils craignent que les opinions des examinateurs ne pèsent sur celles des professeurs. Il faut compter sur l’esprit libéral des examinateurs, comme il faut compter sur le tact des professeurs pour assurer le plein exercice de la liberté philosophique, dans les limites que comportent les devoirs de l’enseignement public. Lorsque des examens sont placés à l’entrée d’une carrière, ils doivent porter sur toutes les obligations de cette carrière. L’enseignement de la philosophie ne se donnant pas seulement sous une forme historique, mais sous une forme dogmatique, il est juste qu’il soit aussi sous cette forme l’objet d’un examen professionnel. Cet examen devra sans doute se dégager de toute intolérance ; mais il lui est permis d’être sévère pour l’ignorance, la confusion dans les idées, l’obscurité dans l’exposition, le manque