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« ceux qui ne s’inspirent que de l’amour de leurs semblables; par ces moyens pratiques, ajoute-t-il, ils contribueront bien mieux à propager la religion de l’humanité qu’en faisant des réunions pour honorer le Grand Architecte de l’univers ou qu’en écrivant de longs articles passionnés dans les journaux. » Nous craignons fort que M. Maudsley ne prêche dans le désert et qu’on ne voie dans ces conseils aux libres penseurs une ironie amère ou une naïveté indigne d’un homme qui ne croit qu’aux méthodes expérimentales.

La folie est-elle une cause suffisante de divorce? Puisque divorce il y a, ne pourrait-on, en certains cas, ranger parmi ses causes légales l’aliénation reconnue incurable ? Ainsi l’a pensé le législateur saxon, qui autorise le divorce trois ans après l’internement et considère le retour à la raison comme désormais impossible. L’Association médico-psychologique anglaise a voté en 1882 que la folie pourrait devenir une cause de nullité de mariage lorsqu’elle aurait existé avant et en aurait empêché la consommation; elle citait l’exemple de cet homme qui, le jour même de la cérémonie, entendit une voix du ciel qui lui interdisait de s’approcher de sa femme et se soumit docilement à cet ordre. Les partisans du divorce pour cause de folie s’appuient sur l’intérêt social, qui, disent-ils, prime l’intérêt du conjoint, sur la nécessité de ne pas favoriser la procréation d’individus porteurs de la molécule héréditaire et condamnés à la démence. Le docteur Voisin[1] a proposé des distinctions nombreuses. L’aliénation existait-elle avant le mariage? le conjoint l’ignorait-il ou non? S’il l’a connue, la loi se prêterait à une véritable lâcheté en autorisant le divorce; s’il n’en a rien su, il y a eu sans doute une supercherie dont il n’est pas juste de le rendre victime. L’aliénation apparaît-elle après le mariage, trois hypothèses peuvent se présenter. A-t-elle été causée par les mauvais traitemens du conjoint, les pertes d’argent, les chagrins des époux, la conduite fâcheuse des enfans, les travaux excessifs? point de divorce. De même, dans les cas où la cause de la folie demeure inconnue. Lorsqu’au contraire elle provient d’une vie de désordres, d’excès alcooliques (on sait que les buveurs de profession sont d’incorrigibles récidivistes), la demande de divorce devrait être prise en considération. Le docteur Luys a fait ressortir avec force la situation si digne d’intérêt du conjoint qui demeure isolé dans la vie et qui, « désormais privé de son soutien naturel, va passer de longues années, dix, quinze, vingt peut-être, dans l’attente des longs espoirs et des illusions décevantes. » S’il n’a une âme forte, stoïque, les passions humaines le ressaisiront, lui créeront un ménage

  1. Annales médico-psychologiques, année 1885. Études de MM. Blanche, Dechambre, Luys et Voisin.