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en effet, il n’a pas tort. » La commission estime sagement que la loi aliéniste doit elle-même assurer la répression, parce que les circonstances dans lesquelles les actes se produisent augmentent considérablement leur gravité, en sorte que ce qui constituerait une simple contravention de droit commun devient un délit véritable ; il faut donc la féliciter sans réserves d’avoir proposé des dispositions répressives qui comblent cette lacune.

Pour aller à la source du mal, il importe avant tout d’assurer le recrutement d’un bon personnel, de former un corps spécial de surveillans d’aliénés, comme on a fait pour les prisons, de les bien payer et leur accorder une retraite ; alors seulement on pourra choisir et conserver les bons. Dans plusieurs asiles de l’état de New-York, à Words’ Island, Buffalo, Utique, on a organisé des cours de leçons systématiques, faites par le personnel médical, roulant sur les devoirs des gardiens, avec des notions élémentaires d’anatomie, de physiologie et d’hygiène. Le docteur Clark, aliéniste écossais, a installé à Bothwell un enseignement en douze ou quatorze leçons, avec examens, délivrance de certificats d’aptitude aux meilleurs élèves; il proposait aussi l’établissement d’un registre qui servirait à dresser les listes de bons gardiens. A Voghera, le docteur Tamburini faisait chaque semaine une instruction aux infirmiers : c’est le premier pas dans une voie depuis ouverte à Bicêtre et à la Salpêtrière. Les auteurs de la loi de 1838 reconnaissaient l’influence heureuse de la religion sur les aliénés, l’excellente administration des dames de Saint-Joseph, des sœurs de Saint-Joseph à Maréville, à Bourg : les malades du couvent de la Force à Bordeaux considéraient les sœurs comme des anges tutélaires ; des aliénistes admettent qu’une femme a parfois plus d’empire sur un homme aliéné que le meilleur des serviteurs : les dons de la charité, les offrandes, les dots des sœurs avaient suffi à créer en maint endroit ce qu’ailleurs il a fallu établir à grands frais avec les deniers des contribuables. Puisque c’est dans cette question du personnel que gît la principale difficulté du traitement, ne pourrait-on faire largement appel à ces religieuses, à ces religieux qui ont la folie de la croix, dont les âmes ne respirent que vers le ciel et adorent l’humanité souffrante en Dieu? La folie de la laïcisation ne s’arrêtera-t-elle pas devant l’asile d’aliénés et n’écoutera-t-on pas le conseil d’un savant déterministe, contempteur fort décidé des religions positives, qu’il traite de béquilles inutiles et malfaisantes, et qui cependant convie à cette grande œuvre les Frères de la Croix, les sœurs de Charité? Il est vrai qu’il invite en même temps les laïques, les francs-maçons à constituer une confrérie de l’humanité qui montre au monde de quels efforts sont capables