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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/320

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l’Italie, la rendrait plus intraitable. Il ne le dissimulait pas dans ses correspondances. « Les hommes d’état italiens, que nous avons habitués à une bienveillance démesurée, disait-il, ont de la peine à se persuader que leur politique ne figure pas en première ligne dans nos préoccupations. L’idée ne leur vient pas que l’empereur a à tenir compte de l’opinion qui se manifeste en France. Ils ont à cet égard des étonnemens voisins de la naïveté. Ils s’imaginaient, avant notre intervention, que la France était effrayée des conséquences d’une seconde expédition, qu’elle voulait se soustraire aux embarras d’une occupation prolongée et qu’elle se trouvait dans une certaine mesure à la discrétion de l’Italie. L’événement les a détrompés et le discours de M. Rouher a brusquement dissipé leurs dernières illusions. On a été stupéfait d’entendre un ministre de l’empereur affirmer hautement nos droits. On voudrait aujourd’hui, qu’on nous voit concilians, prouver au parlement, par la communication d’une dépêche du gouvernement français, que le ministère par son énergie nous a fait reculer et a obtenu une éclatante satisfaction. »

Les exigences de l’Italie croissaient en raison de nos faiblesses. Le cabinet de Florence profitait de ses avantages ; il publiait, malgré nos protestations, la correspondance échangée avec M. Rattazzi au sujet de la légion d’Antibes, qui découvrait un côté vulnérable de notre politique; il nous voyait ébranlés et comme effrayés d’un accès de véhémente énergie, il aurait voulu nous imposer une rétractation écrite. C’était trop demander.

La situation était renversée, il semblait que la France eût aujourd’hui tous les torts. On avait mis sa patience aux plus rudes épreuves, méconnu toutes les promesses et déchiré tous les traités, M. Rattazzi avait sollicité l’intervention militaire de la Prusse; la révolution italienne venimeuse, vindicative, nous abreuvait d’outrages ; ses sicaires menaçaient journellement la vie de l’empereur et on nous enjoignait de répudier notre politique, de violenter notre conscience et de faire publiquement amende honorable. On croyait rêver! On se demandait si Solférino, si tous les sacrifices que nous avions faits depuis cinquante ans pour frayer fraternellement le chemin à l’unité italienne n’étaient pas une légende !

Le gouvernement de l’empereur en accourant au secours du pape, sans se préoccuper d’un conflit avec l’Italie et d’une intervention de l’Allemagne, avait risqué beaucoup ; il avait déployé une énergie disproportionnée avec les résultats qu’il avait atteints ; il se trouvait au lendemain de sa campagne militaire et diplomatique, en face des mêmes difficultés, condamné à une occupation nouvelle, indéfinie, des états romains qui, jusqu’à sa chute, devait peser sur sa politique. Il avait préservé momentanément la souveraineté temporelle