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avantage d’une situation maritime et d’une grande supériorité de climat.

L’évaluation de l’étendue du sol de la Tunisie a beaucoup varié suivant les auteurs. Les uns allaient jusqu’à lui attribuer 15 ou 17 millions d’hectares, c’est-à-dire de 150,000 à 170,000 kilomètres carrés et près de 2 millions d’habitans. Il semble que ces chiffres soient exagérés, que la superficie ne dépasse pas 116,000 à 118,000 kilomètres carrés ou un peu moins de 12 millions d’hectares et que le nombre des habitans soit inférieur à 1,500,000. Cela équivaudrait à moins du quart de la surface de l’Algérie et à plus du tiers de sa population. Or, comme il y a une supériorité de genre de vie des indigènes tunisiens relativement aux indigènes algériens, on voit par ce simple rapprochement combien les conditions de notre nouvelle possession africaine l’emportent sur celle de notre plus ancienne.

Quand on veut coloniser un pays, il faut se rendre compte avec exactitude du genre précis de colonisation qui convient à la fois à la contrée soumise et à la race colonisatrice. Il y a bien des sortes de colonies; mais on peut les ramener à trois types principaux, dont les dénominations sont déjà devenues familières à tous ceux qui quelque connaissance de cet intéressant sujet : les simples colonies commerciales, les comptoirs, comme l’ancienne chaîne des postes portugais tout autour de l’Afrique et dans la mer des Indes, comme aujourd’hui encore Aden, Singapour et Hong-Kong; les colonies de peuplement telles que les anciennes provinces anglaises d’Amérique qui forment aujourd’hui les États-Unis, et, dans le temps actuel, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande; enfin, les colonies d’exploitation où la race supérieure dirige, élève, conduit la race inférieure fournit les capitaux, met au jour les richesses naturelles, transforme par un état-major intelligent d’administrateurs, d’ingénieurs, de capitalistes, de commerçans, de professeurs, de contremaîtres, un pays resté longtemps pauvre faute d’initiative et de ressources matérielles accumulées chez les habitans en une contrée prospère et opulente. Les Indes, Java, les Antilles, avec des degrés différens de succès et l’application de méthodes tantôt bonnes et justes, tantôt défectueuses et iniques, offrent des exemples diversement heureux de ce genre de colonisation. Ce mot de colonies d’exploitation a toutefois choqué un certain nombre d’esprits délicats. Ils y ont vu quelque chose de répréhensible et même d’odieux. Au lieu de prendre le terme dans le sens littéral et rigoureux qui ne soulève aucune idée blâmable, ils se sont laissé pénétrer des susceptibilités démagogiques. Ils ont paru comprendre que, dans une colonie de ce genre, il y avait, selon le jargon contemporain, « une exploitation