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on peut considérer comme encore vraie la description faite par Pline le Jeune de l’oasis de Tacape et citée par M. Tissot dans sa Géographie comparée de la province romaine d’Afrique : « Là, sous un palmier très élevé, croît un olivier, sous l’olivier un figuier, sous le figuier un grenadier, sous le grenadier la vigne ; sous la vigne on sème du blé, puis des légumes, puis des herbes potagères, tous dans la même année, tous s’élevant à l’ombre les uns des autres. » Il y a peut-être quelque redondance dans cette peinture de l’écrivain antique ; mais le fond en est exact, et le palmier dattier permet une foule de cultures intercalaires qui viennent ajouter au produit. Le sud tunisien pour les transports est, par la proximité de la mer, bien plus favorablement placé que le sud-est algérien.

A la vigne, au palmier, à l’élève du bétail, aux plantes potagères, au chêne-liège, faut-il joindre ou préférer d’autres branches de production? Ces cultures, — du moins plusieurs d’entre elles, les plus rémunératrices, — sont aléatoires sans doute ; mais, dans ce temps où les capitaux ne rapportent que 3 1/2 à 4 pour 100 en fonds d’état ou en obligations de premier ordre, ne peut-on se lancer dans des entreprises où les gains peuvent être considérables et où la perte, si l’on ne recourt pas au crédit, ne peut jamais être que partielle? Quelques personnes, cependant, appréhendent ces aventures; mais où en serait le monde si l’on n’avait jamais rien aventuré ? Un homme distingué, ayant de l’aversion pour l’optimisme, M. Pascal, dans de récentes et intéressantes études, juge qu’il y a en Tunisie une œuvre plus simple et plus sûre à accomplir, c’est de perfectionner la culture arabe et de la diriger. D’après lui, sur une terre de 2,000 hectares, dont la valeur est de 100,000 francs tout au plus, avec un capital d’exploitation de 120,000 francs au maximum, l’agriculteur indigène peut obtenir 15,000 francs de revenu net par les céréales et 10,000 francs par le croît du bétail, ce qui lui ferait plus de 11 pour 100 de revenu net régulier. L’entreprise, dans ces conditions, serait tentante. M. Pascal entre dans de grands détails pour justifier ses conclusions ; nous n’avons pas le loisir de l’y suivre. Il est loin de notre pensée de détourner qui que ce soit de se faire simple directeur et commanditaire de culture indigène. Cependant, les calculs de M. Pascal nous paraissent exagérés, et le succès que l’on pourra atteindre dans certains cas ne nous semble pas universellement assuré. En premier lieu, on ne trouve plus à acheter à 50 francs l’hectare des terres dans une situation convenable, près des routes et des marchés ; il faut doubler, parfois même tripler ce chiffre. Puis, un lot de 2,000 hectares de terres ne peut pas être tout entier utilisé, même par la culture arabe; la moitié au moins, souvent les trois quarts, sont couverts de lentisques,