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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/398

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Après la vigne viendront l’oranger, le citronnier, les cultures maraîchères ; mais il y faut plus de temps ; ce ne sont plus là des cultures que l’on puisse en quelque sorte improviser. Une exploitation, au contraire, qui, dès maintenant, débute avec de séduisantes promesses de succès, c’est celle des dattiers. Il faut pousser dans le désert aux environs de Gabès pour tenter cette branche de production. La compagnie de M. de Lesseps, en poursuivant cette chimère de mer intérieure africaine, c’est-à-dire de la création de marais dans le genre de ceux qui infectent les départemens de l’Aude et de l’Hérault, aura mis par hasard la main sur une véritable source de richesses : en fonçant des puits artésiens on a fait jaillir des eaux abondantes qui atteignent, dit-on, l’énorme débit de 300 mètres cubes à l’heure. Ce sera une des fois, moins rares qu’on ne croit, où en courant après l’ombre on aura trouvé et saisi la proie. Il ne tient qu’à nous de reproduire dans le sud tunisien l’œuvre merveilleuse à laquelle nous nous sommes livrés avec succès dans le sud-est algérien. On sait quel nombre considérable de puits artésiens nous avons percés dans l’Oued Rhir. Un savant russe, M. de Tchihatchef, a rendu, il y a quatre ou cinq ans, un éclatant hommage au talent de nos ingénieurs qui ont ainsi fait jaillir les eaux souterraines sur presque tout le long parcours d’El-Kuntara à Tougourt et même à Ouargla. Après avoir, au grand ébahissement et au grand profit des indigènes, multiplié les puits dans cette région, nous nous sommes avisés que nous pourrions en tirer quelques bénéfices pour nous-mêmes. L’idée de planter des dattiers est devenue familière aux colons algériens entreprenans. J’ai sous les yeux le compte-rendu d’une compagnie dite Société agricole et industrielle de Batna, qui, en quatre ans, a foré aux environs de Tougourt huit puits artésiens, d’une profondeur moyenne de 75 à 80 mètres, débitant environ 21,000 litres d’eau par minute ; dans le même temps, elle a défriché, nivelé, défoncé et mis en valeur 400 hectares de terrains incultes ; planté 42,000 jeunes palmiers dattiers. Le tout a coûté jusqu’ici 450 à 500,000 fr. Le dattier n’a pas à l’heure actuelle d’ennemi connu, comme le phylloxéra. Il rapporte brut en moyenne 4 ou 5 francs par arbre, sur lesquels il semble que les deux tiers représentent un revenu net ; mais il faut s’armer d’une plus longue patience encore pour le palmier que pour la vigne, car il s’écoule huit à dix années avant la période de production. Il est vrai que cette exploitation fournit autre chose que des dattes :