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échue en ce siècle, de mettre la main, pour fonder notre protectorat en Tunisie, sur un homme qui unit les qualités les plus précieuses : instruction et intelligence, tact et fermeté, entrain et persévérance. On l’attaque et on le calomnie. Des esprits superficiels se livrent à des critiques sans portée ou à des impatiences enfantines. Il faut défendre notre premier résident général, M. Cambon ; l’histoire lui rendra justice. Notre ancienne administration coloniale a compté des administrateurs d’un haut mérite dont le gouvernement métropolitain n’a pas su seconder les grandes qualités : Dupleix, Malouet, l’intendant Poivre, d’autres encore. Les petits esprits, qui croient qu’un empire ou un état s’établit en une demi-douzaine d’années, se sont toujours ligués contre ces administrateurs aux vastes pensées et aux longs desseins. N’est-ce donc rien que d’avoir maintenu depuis 1881 une paix inaltérée en Tunisie, d’avoir permis à l’élément français de s’y infiltrer, d’avoir placé les finances dans une situation telle qu’il n’est pas un seul état européen, notamment la France, qui ne pût les envier; d’avoir substitué aux capitulations une justice française, d’avoir inauguré et conduit à un certain degré de développement ce que, à notre honte, nous n’avons pas encore fait, après plus d’un demi-siècle de possession de l’Algérie : l’enseignement français parmi les indigènes? Tout cela n’est-il rien en cinq années ? Devant les misérables chicanes que l’on adresse à l’administration française en Tunisie, on est saisi de pitié pour la légèreté de ceux qui s’y livrent. En vérité, M. Cambon, pour sa défense, n’aurait qu’à rappeler les cinquante années de guerre presque ininterrompue en Algérie, les révoltes ou les frémissemens fréquens dans le sud oranais et dans l’Aurès, l’énorme effectif militaire des trois départemens franco-africains en face du chiffre réduit de nos troupes en Tunisie ; il pourrait mettre en comparaison les milliards dépensés dans notre première possession africaine et l’absence presque complète de tout sacrifice du budget français dans la seconde. Il lui serait loisible encore de faire passer devant ses piètres accusateurs et le Tonkin et l’Annam, et le Cambodge : il y pourrait joindre, s’il le voulait, les combats incessans que les Anglais sont obligés de livrer soit en Égypte, soit en Birmanie ; ceux que la Hollande renouvelle depuis dix années sur la terre d’Atchin ; l’état précaire des Italiens à Massouah ; et alors il n’aurait plus qu’à montrer la Tunisie paisible, s’imprégnant, graduellement il est vrai, mais sensiblement, de l’esprit français, se pénétrant, jusqu’au fond de ses tribus, de plus en plus de notre influence, et quel serait l’étourdi qui oserait encore l’accuser soit de tiédeur, soit de maladresse, soit d’insuccès? L’habile premier résident général. qui vient d’être appelé à l’ambassade de Madrid, a bien mérité de son pays