Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/461

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Judas, le fameux guerrier, et ses frères, fils de Mathathias, d’une part; et d’autre part, sept martyrs, fils d’une même mère, qui les assista dans leur supplice. Mlle Arnaud a prêté aux frères de Judas la mère et la mort de ces martyrs : elle n’a pas voulu mettre sur ce mélange une étiquette historique. A la bonne heure ! Si ses Macchabées, sans être ni ceux-ci ni ceux-là, sout des Macchabées, nous serons satisfaits. Nous la tenons quitte de l’exactitude dans le récit des événemens; et, si elle n’abuse pas de la couleur locale, à Dieu ne plaise que nous nous en fâchions ! Un joli vers, soupiré par la fille d’Antiochus, nous donne assez l’odeur du pays :


Ce sol a des parfums qui parfument le cœur!


Mais ces Macchabées ne sont pas des Macchabées; ils n’ont rien de ce qu’il faut pour l’être, ou du moins rien de ce qui fait qu’on est un Macchabée plutôt qu’un Jean Hunyade ou un Kosciusko ; ils n’ont même pas leur Dieu, ou s’ils l’ont, c’est comme s’ils ne l’avaient pas : ils n’ont que la patrie dans le cœur. Et, — j’y pense, — ont-ils un cœur ? Pour abréger, ils n’ont rien de ce qui fait qu’un homme est différent d’un autre, c’est-à-dire rien de ce qui fait qu’il est un homme. Jahel n’est pas leur mère, mais leur prototype; et eux-mêmes ne sont que des types, tous pareils, du patriotisme. Cette Jahel, qui mène la pièce, un personnage la définit :


Une figure étrange, à présent, surhumaine !
Sur laquelle un seul mot semble gravé : la haine !
Un visage de pierre...


Oui, vraiment, un visage de pierre, et nullement humain, et qui ne sait dire qu’un mot ou du moins qu’un discours, et qui le répète infatigablement. Et ses fils, à leur tour, le répètent aussi, et c’est tout leur rôle; s’ils n’avaient cet office, ils n’existeraient pas : peut-on dire qu’ils existent? Ils sont là quatre, au premier acte, assemblés devant le temple et présidés par leur mère, qui débitent chacun à son tour une harangue; je défie qu’on distingue celle-ci de celle-là, et tel orateur de tel autre. Qui me dira, une heure après le spectacle, la différence entre Éléazar et Simon ou Jonathas ou Judas? Judas reparait au dénoûment : voilà tout son avantage. Comme Jonathas, comme Simon, comme Éléazar, comme cette Jahel qui n’a pas de sexe, il n’est rien autre chose que ce type : le patriote.

Quoi d’étonnant? Des personnages de cette sorte conviennent à merveille au projet de l’auteur. Que veut M le Arnaud? Déclarer ses sentimens.