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nombre de Psaumes, où l’auteur se présente comme en détresse, abandonné de Dieu, entouré de méchans, en butte aux railleries de l’impiété triomphante. Les saints persécutés s’appellent eux-mêmes anavim ou aniim, « les doux, les humbles, » ebionim, dallim, « les pauvres. » Sûrement, la Thora ne se grossit pas durant ce temps. Ce n’est pas que le culte de Iahvé fût interrompu ; mais le pouvoir était tolérant pour les cultes étrangers, et le parti religieux, qui poussait aux écritures sacrées, subissait dans son activité une suspension momentanée.

Tout fut changé quand Josias, arrivé à la vingt-cinquième année de son âge (622 avant J.-C), et sous l’empire de circonstances que nous ignorons, reprit en l’exagérant la tradition du iahvéisme pur, purifia les lieux souillés d’idolâtrie, et rendit le pouvoir aux anavim persécutés par Manassès et Amon.

La principale cause des abus religieux dont se plaignent si âprement les prophètes était le peu d’organisation officielle du culte. Le roi faisait des sacrifices à son dieu Iahvé dans le temple, qui était en quelque sorte une annexe du palais ; les gens de Jérusalem et les personnages considérables obtenaient de sacrifier dans ce même temple. Mais ou sacrifiait aussi dans une foule d’endroits consacrés des territoires de Juda et de Benjamin. Ces cultes locaux n’étaient pas surveillés ; les impuretés étrangères s’y mêlaient facilement. Une mesure capitale était nécessaire, une mesure qui fixât à Jérusalem le centre unique du culte. La petite étendue du territoire de Juda rendait cela possible. Aucune localité du royaume n’était éloignée de la capitale de plus d’une douzaine de lieues.

Josias prit cette mesure avec une décision qui étonne. Tous les sanctuaires autres que le temple de Jérusalem furent supprimés. Il dut en résulter un étrange bouleversement dans les familles sacerdotales des petites villes de province. Par suite de la suppression des bamoth ou hauts lieux de province, une foule de lévis se trouvèrent sans pain ; on les transféra à Jérusalem. On ne leur donna pas le droit de monter à l’autel de Iahvé avec les prêtres attitrés du temple ; ils restèrent des desservans de bas étage, des espèces de sacristains ; mais une part leur fut assignée dans la distribution des dons en nature, surtout des massot ou azymes.

Ainsi s’augmenta dans une énorme proportion le personnel du temple. A partir de cette époque, le nom de prêtre lévitique commença d’être employé. Le mythe d’une prétendue tribu de Lévi, prélevant un préciput sur ses frères, prit alors tous ses développemens. Le germe en existe dans la rédaction de l’auteur jéhoviste ; cependant ce n’est qu’après Josias que ce troupeau de prêtres entassé à