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Page:Revue des Deux Mondes - 1886 - tome 78.djvu/548

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Israël le comble du bonheur humain ; ce comble du bonheur, c’est de posséder de grandes et belles villes qu’il n’aura pas bâties, des provisions qu’il n’aura pas amassées, des citernes qu’il n’aura pas creusées, des vignes et des oliviers qu’il n’aura pas plantés[1]. Ces récompenses ordinaires de la bravoure et du travail sont ici la récompense d’une vertu théologique, la croyance à un seul Dieu. Iahvé est un Dieu fidèle ; il garde son pacte. Il aime Israël, il a juré ; cela suffit. Ce n’est pas un mérite quelconque d’Israël qui lui vaut ces faveurs ; c’est le choix libre de Iahvé.

Le crime par excellence est de s’attribuer quelque chose. Celui qui dit : C’est par ma propre force que je me suis procuré tout cela, fait un vol à la gloire de Iahvé. Ce Dieu jaloux donne à ceux qui le servent tout, excepté l’impossible, c’est-à-dire l’immortalité ; ils ont la vie, la forte multiplication de la race, la prospérité parfaite, la pluie en son temps, tous les biens de la terre. Le monde n’existe que pour eux : « Vous dévorerez tous les peuples que Iahvé, votre Dieu, vous livre ; votre œil n’aura pas pitié d’eux[2]. »

Une législation fondée sur de telles prémisses ne pouvait être tolérante. Les mesures de précaution pour maintenir le monothéisme jahvéique sont empreintes d’une férocité extrême. Sous ce rapport, l’auteur du code deutéronomique n’a pas été dépassé, même par le code de l’inquisition dominicaine, au XIIIe et au XIVe siècle. Extermination des infidèles, défense de tout rapport avec eux, interdiction des mariages mixtes, par suite de cette idée que les infidélités religieuses sont la conséquence des séductions féminines ; broiement impitoyable de tout objet idolâtrique, iconoclastie absolue. « Vous exterminerez le mal d’au milieu de vous, » telle est la formule sanglante par laquelle sont motivés ces arrêts. Les accusations pour crime contre le iahvéisme entraînent les plus terribles solidarités. Un prophète, même thaumaturge, qui prêcherait d’abandonner Iahvé, doit être mis à mort.

« Si ton frère, le fils de ta mère, ou ton fils, ou ta fille, ou la femme de ton sein, ou l’âme qui est comme ta propre âme, voulait te séduire secrètement en disant : « Allons servir d’autres dieux,.. » tu ne I’écouteras pas. Vous n’aurez pas pitié de lui ni ne l’épargnerez ; au contraire, vous devez le faire mourir. Ta main sera la première à lui donner la mort ; les mains du reste du peuple l’achèveront. Vous l’assommerez de pierres, parce qu’il a cherché à vous détourner de Iahvé. Que tout Israël l’apprenne pour l’exemple. »

Plus terrible encore est le cas d’une ville d’où sort un (1)

  1. Deut., Vi, 10 et suiv.
  2. . Deut., VII, 16.