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l’invasion, menacés à la fois par la France, l’Autriche et l’Italie, et elle concluait à une neutralité absolue comme à la seule chance de salut. Les ministres de la guerre, à Stuttgart et à Munich, soutenaient au contraire, en passant en revue les alternatives d’une guerre entre la France et l’Allemagne, que, si les vicissitudes d’une campagne transportaient la lutte dans le midi, l’armée de la confédération du nord serait en mesure de faire face à toutes les agressions, que rien ne l’empêcherait d’abandonner la défense de ses frontières occidentales à ses boulevards du Rhin et à la landwehr, pour porter toutes ses forces au secours de ses alliés. Mais ils n’établissaient pas que la Prusse le ferait nécessairement, dans toutes les hypothèses, ni qu’elle se fût engagée à le faire.

Le baron de Varnbühler invoquait des argumens poétiques : il s’efforçait d’amoindrir la portée des conventions: il affirmait que le droit de voter les contingens et les crédits militaires était maintenu aux chambres, que le gouvernement s’était réservé la « cognition » du casus fœderis,. que le roi n’avait pas abandonné une fois pour toutes le commandement de son armée, mais qu’il faudrait chaque fois, en cas de guerre, un acte spécial pour le transmettre au roi de Prusse. Le ministre justifiait le traité d’alliance par l’impossibilité, pour le Wurtemberg, de rester isolé ; il invoquait la solidarité de ses intérêts économiques avec ceux du nord; il présentait l’alliance comme une des conditions de la paix imposée par la Prusse en 1866.

Dans ses entretiens avec les députés, il exaltait l’organisation militaire de la Prusse, la science éprouvée de ses généraux ; il ne mettait pas en doute son assistance, il était convaincu que M. de Moltke serait à la hauteur des plus menaçantes éventualités. Il évoquait les tristes souvenirs de 1866, il rappelait l’impression douloureuse que lui avait laissée l’armée autrichienne, en regard de la tenue et de l’admirable discipline du soldat prussien, lorsque de Vienne il se rendait, à travers les lignes belligérantes, au quartier général de Nikolsbourg pour implorer la paix. M. de Varnbühler était éloquent, pathétique, lorsqu’il plaidait les causes victorieuses.

Il ne fallait rien moins que les déclarations catégoriques des ministres wurtembergeois et bavarois, et à Stuttgart, l’intervention personnelle du roi pour réagir contre les tendances hostiles des parlemens, pour ébranler la majorité. La Prusse avait d’ailleurs à sa disposition un argument décisif: la dissolution du Zollverein. Sa diplomatie ne cachait pas que le rejet du traité d’alliance entraînerait ipso facto la rupture de l’association douanière. M. de Bismarck, en face des passions que sa politique provoquait au midi, avait jugé nécessaire de peser sur les débats de toute son autorité, il avait notifié ses résolutions, par lettre, de sa propre main, à M. Roemer, l’un des chefs du parti national. Son intervention personnelle