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Mongol dans le nord et fonda la dynastie des Mings, la dernière des dynasties nationales de la Chine. Le christianisme sombra dans la tourmente ; il reparut au XVIe siècle. Les Mings avaient subi le sort de toutes les familles qui ont régné sur l’empire du Milieu. A un fondateur illustre avait succédé une lignée d’hommes médiocres, incapables de porter dignement le fardeau du pouvoir suprême. La lutte contre les Tartares, qui est le fond de l’histoire de la Chine depuis mille ans, recommença. Au début du XVIIe siècle, la Tartarie presque entière avait passé sous la domination d’un vaillant petit peuple, inconnu cent ans plus tôt, le peuple mandchou. Le roi des Mandchous, appelé en Chine pour écraser un usurpateur qui avait chassé les Mings de leur capitale, fut reçu à Pékin comme un libérateur et y resta. Ainsi a été fondée la dynastie actuelle, au moment où Louis XIV montait sur le trône de France.

Le christianisme était rentré en Chine à la fin du siècle précédent, sous le patronage des Portugais, maîtres de Macao. Les jésuites, avec le célèbre P. Ricci, prirent le premier rang parmi les ordres religieux qui se partagèrent les provinces de l’empire. Les derniers Mings marquaient une certaine faveur aux chrétiens : un converti devint ministre d’état vers 1630. Plus tard, alors que les Tartares n’étaient encore solidement établis que dans le nord, un prince Ming dut à deux mandarins chrétiens une victoire qui lui permit de se proclamer empereur dans la province de Canton. Cet empereur éphémère avait épousé une chrétienne appelée Hélène, qui échangea de curieuses lettres avec le souverain pontife. Alexandre VII put se glorifier, pendant quelques mois, de compter l’impératrice de Chine parmi ses ouailles. Les premiers empereurs tartares ne témoignèrent pas moins de bienveillance aux chrétiens, surtout aux jésuites, plus habiles et plus intelligens que les autres missionnaires, et spécialement aux jésuites français envoyés à Pékin par Louis XIV en 1685. On sait que ces derniers, sous l’empereur Kang-hi, qu’ils comparaient volontiers à Louis le Grand, son contemporain, acquirent une influence considérable. Le père Bouvet, le père Gerbillon et plusieurs autres avaient l’oreille du souverain : ils étaient souvent consultés pour les plus grandes affaires de l’état, ils accompagnaient l’empereur dans ses campagnes et ses voyages en Tartarie. Gerbillon fut même chargé d’aider de son expérience les plénipotentiaires envoyés à la frontière de Sibérie pour négocier le premier traité conclu entre le Moscovite et le Tartare, comme on disait alors. Ces religieux, hommes éminens, dont les écrits attestent le savoir et la haute intelligence, durent leur succès à ce qu’ils avaient reconnu que l’esprit chinois, si exclusif, si fermé aux innovations, est pourtant accessible par un point. Ils avaient