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dogmes surnaturels. Quant au menu peuple, les bonzes et les taossé lui offrent pour l’autre vie des perspectives fort séduisantes : les bonzes, disciples d’un bouddhisme très éloigné des doctrines de Çakyamouni, lui promettent les délices du paradis du ciel occidental, séjour d’Amitabouddha ; les taossé, apôtres des croyances grossières et basses où est descendue la noble philosophie du Tao, ou de la raison pure, enseignée par Laotseu, placent la vie future dans les étoiles. Mais, en fait, pour les masses populaires, le culte se borne à faire brûler de temps en temps des baguettes d’encens devant une image de Bouddha, ou devant la bonne Kouanyin, déesse de la miséricorde. Quelques pratiques superstitieuses pour ainsi dire instinctives, — tant les générations qui se succèdent s’en transmettent fidèlement les rites, — répondent presque seules au besoin qu’éprouve tout homme de se concilier les mille forces mystérieuses dont nous sommes entourés. Rien dans la Chine passée ou présente ne rappelle les grands entraînemens religieux dont le monde occidental a été souvent le théâtre. Que l’on songe en outre à la méfiance et au mépris avec lesquels l’orgueil chinois accueille tout ce qui vient de l’étranger, et l’on reconnaîtra que ce grand empire est un milieu peu favorable à l’expansion d’une religion élevée et métaphysique. Aussi le christianisme a-t-il en grand’peine à y prendre pied. Les efforts de la propagande semblent avoir été plus heureux aux époques où l’empire est tombé aux mains des dynasties étrangères. Les Mongols, au XIIIe siècle, ont accueilli avec bienveillance la prédication de l’évangile. Koubilaï, petit-fils de Gengiskhan, que Marco Polo visita dans sa capitale de Cambalik, aujourd’hui Pékin, Koubilaï s’était converti au bouddhisme thibétain, cette religion des Lamas qui offre avec le catholicisme des ressemblances de forme trop frappantes peut-être pour être fortuites. Il ne fit aucune opposition à des doctrines qui s’alliaient facilement à ses sentimens et à ses croyances propres. Des rapports presque réguliers s’établirent entre Rome et la Chine : plusieurs prélats nommés par le pape se succédèrent sur le trône épiscopal de Pékin à la fin du XIIIe siècle. Mais les Mongols qui avaient conquis l’empire subirent bientôt l’influence chinoise : ils perdirent peu à peu les qualités religieuses et militaires qui distinguent leur race. C’est une triste histoire que celle des descendans de ce Koubilaï Khan, empereur de Chine, dont la suzeraineté s’étendait de la Corée jusqu’à la Pologne, y compris l’Indo-Chine et la Perse. Ils allèrent s’affaiblissant sans cesse jusqu’au jour où le fils d’un artisan, domestique dans une bonzerie, s’enrôla dans une bande de mécontens, en devint le chef, réveilla le patriotisme chinois qui sommeillait, groupa autour de lui les forces vives du pays, chassa le