des compagnons et des guides, semble un proconsul d’une respublica nouvelle, requérant sur son passage les services qui étaient dus jadis aux officiers romains.
V
Que se passait-il cependant en Italie et à Rome ? De grandes nouveautés encore : la Péninsule se détachait de l’empire, et la ville impériale se transformait en ville pontificale.
C’est faire tort à Rome que d’en détourner les regards au temps où elle cesse de conduire le monde par la politique et les armes, car c’est alors qu’elle se prépare à le subjuguer de nouveau. Plusieurs siècles durant, un double travail s’y accomplit ; l’ancienne Rome achève de mourir, mais elle enfante la nouvelle dans d’atroces douleurs. L’histoire ne connaît pas de scènes plus dramatiques que celles qui se jouent là au Ve et au VIe siècles.
C’est d’abord la ruine produite par des catastrophes successives : Rome trois fois assiégée par Alaric, prise à la fin, pillée, mais intacte encore, avec ses monumens debout, ses places et ses carrefours ornés de statues ; survivant même à la dévastation consommée par Genséric et les Vandales, se reprenant au goût des fêtes quand Cassiodore, ministre du Goth Théodoric, refait les théâtres et les cirques et semble la rajeunir pour une nouvelle éternité, mais bientôt broyée, comme entre l’enclume et le marteau pendant la lutte où Byzance extermina le peuple des Goths ; assiégée une première fois par Vitigès et défendue par Bélisaire, souffrant peste et famine, délivrée enfin, mais après que soixante-neuf combats ont été livrés sous ses remparts, que ses aqueducs ont été coupés par les Goths, murés par les Grecs, et les thermes, ce luxe de la vie antique, condamnés au dépérissement ; assiégée une seconde fois par Totila, travaillée de nouveau par la famine, évacuée par des milliers d’hommes, prise de nuit par le roi goth, qui fait sonner ses trompettes à grand fracas pour donner au reste le temps de s’enfuir ; pillée pendant quarante jours, puis abandonnée par le vainqueur, qui l’a démantelée et qui a chassé jusqu’au dernier Romain, si bien qu’il n’y demeure âme qui vive et que la capitale du monde « n’est plus habitée que par des bêtes ; » repeuplée quand Bélisaire a repris possession de cette solitude, mais aussitôt après assiégée, pour la troisième fois, par les Goths, réduite à se nourrir du blé que la garnison a semé dans son enceinte, prise encore par les barbares ; assiégée une quatrième fois et prise par les Grecs. Après cette série de désastres, la ville qui avait eu,